Sécurité, omnicanalité & expérience : un triptyque de défis
Publié par José Roda le - mis à jour à
Qu'il soit physique ou électronique, le commerce est toujours confronté à la nécessité de placer judicieusement le curseur entre sécurité, expérience d'achat et ROI. Une équation complexe qui se cristallise souvent autour du choix des solutions de paiement. Explications.
Si l'on se réfère aux chiffres clés de la Fevad, le secteur de l'e-commerce - produits et services confondus - totalise 159,9 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2023. Un chiffre en hausse de 10,5 % par rapport à l'année précédente. Le secteur représentait 2,35 milliards de transactions l'an dernier, contre 2,24 milliards en 2022. De bonnes performances qui ne doivent pas dissimuler une réalité : la concurrence toujours plus forte entre les acteurs de la vente en ligne... et du retail dont les activités ne cessent de converger.
Pour Antoine de la Rivière, vice-president of sales pour Alma, "le challenge de fond aujourd'hui pour les marchands, c'est celui d'une croissance timide. Les acteurs de l'e-commerce et du retail sont à la recherche de nouveaux leviers de croissance. Cela passe par l'optimisation du panier moyen, de la conversion et ensuite par la fidélisation". Un constat partagé par Grégoire Bourdin, fondateur de Bazalt, ex-fondateur de Treezor : "Les acteurs du retail sont clairement attaqués aujourd'hui. La concurrence des marketplaces, la hausse des coûts d'acquisition... Autant de difficultés qui amènent à réfléchir à l'optimisation de la transformation."
Dans ce contexte, le moindre détail compte et le paiement s'impose, plus que jamais, comme un axe stratégique de l'expérience d'achat. Selon l'étude Odoxa réalisée pour le compte de la Fevad en janvier 2024, 84 % des achats effectués en ligne au cours des 12 derniers mois ont été réglés par carte bancaire et 37 % par le biais de diverses solutions de paiement électronique. Le virement ou le prélèvement ne dépasse pas 27 % des achats. Alors que l'inflation ne relâche pas véritablement son étreinte sur les consommateurs français, les acteurs de l'e-commerce et du retail doivent tout mettre en oeuvre pour proposer des tarifs attractifs et des expériences d'achat et de paiement fluides. Deux enjeux auxquels répond efficacement le paiement fractionné...
La déferlante du Buy Now Pay Later (BNPL)
Proposer le paiement fractionné aujourd'hui n'est plus un sujet. La pratique s'est imposée en France, et en Europe, comme un usage de consommation à part entière car sept consommateurs français sur 10 ont déjà eu recours à des facilités de paiement sur les 12 derniers mois. C'est ce que révèle la troisième édition du baromètre FLOA - Kantar sur les évolutions des usages de paiement en Europe. "Le BNPL constitue une solution pour les budgets contraints dans des périodes d'inflation, mais ce que révèlent nos études, c'est surtout qu'il s'impose auprès de populations plus technophiles, plus jeunes, parfois sur des CSP. Le paiement fractionné est aujourd'hui une solution universelle", observe Marc Lanvin, directeur général adjoint de Floa. La fraude est, pour les retailers comme pour les consommateurs, une menace majeure. "Le BNPL est quatre fois plus menacé qu'un paiement traditionnel", affirme Marc Lanvin qui rappelle que Floa investit massivement dans l'innovation technologique pour assurer la sécurité des paiements. "Nous scorons un maximum de data depuis de nombreuses années et nous nous appuyons sur l'IA qui vient valider notre modèle stratégique." Des data scientists travaillent au quotidien pour comprendre et décrypter les réseaux de fraude émergents. "Nous exploitons des outils qui nous permettent de modéliser des tendances, des schémas de fraude. Ces signaux faibles nous inscrivent dans une dynamique d'anticipation."
Lutte contre la fraude vs conversion ?
Dans la discipline complexe du paiement, la conversion est un sujet central. Mais si l'on observe l'intégralité du processus de check-out, la conversion ne se limite pas à l'acte de paiement. Les phases amont, qui relèvent du marchand (construction et théâtralisation de l'offre, stratégie de prix, gestion de l'acquisition), toutes ces variables exigent une parfaite gestion. "Cependant, force est de constater que les grands noms du paiement aujourd'hui circonscrivent leur action à l'acte final de la transaction sans s'intéresser véritablement à l'ensemble du funnel", note Grégoire Bourdin qui considère que la multiplication des moyens de paiement ne peut pas être la seule réponse aux enjeux des retailers. "Si l'on ne prend pas en compte la totalité du tunnel de conversion, il n'est pas possible d'apporter une réponse granulaire et performante sur l'ensemble du processus."
Choix des modes de paiement, identification du consommateur, lutte contre la fraude, les marchands savent que le paiement est un moment clé du processus d'achat. C'est la raison pour laquelle Antoine de la Rivière plaide pour l'intégration du paiement très tôt dans le funnel :"Dès les étapes avant-vente, il faut communiquer sur les moyens de paiement proposés car ce choix peut conditionner le comportement du consommateur par rapport à sa recherche. S'il découvre très tôt dans le processus qu'il pourra fractionner le paiement, il peut envisager de s'orienter vers des produits différents." C'est la démarche entreprise par l'enseigne Maisons du monde qui propose le paiement fractionné via Alma. Dans ce réseau, l'information sur les moyens de paiement en boutique a été totalement scénarisée. Comment ? "Nous accompagnons les marchands en leur partageant des PLV à déployer dans les points de vente pour communiquer sur les moyens de paiement et notamment sur l'échelonnement des paiements, y compris avec un affichage sur les étiquettes de prix", indique Antoine de la Rivière. Il affirme avec conviction : "Les directeurs marketing, retail, e-commerce ou encore expérience client doivent se saisir de cette question des paiements car c'est un axe différenciateur majeur dans un contexte de croissance molle."
Un besoin de clarté et de rationalisation
Abolir les frictions et les freins à l'achat constitue un enjeu d'autant plus critique lorsque le montant du panier s'envole. Entre des solutions de paiement en plusieurs fois, souvent onéreuses, un paiement Paypal en plusieurs fois gratuit, mais limité à 2 000 euros, un paiement comptant avec de multiples phases d'authentification, la complexité est réelle. Pour Grégoire Bourdin, les prestataires de paiement devraient sans doute s'impliquer davantage sur la réalité des expériences proposées aux consommateurs. Il explique : "À mon sens, l'action des prestataires de paiement est trop égocentrée. Les check-out sont des processus très complexes et, lorsqu'un paiement est refusé, il est souvent difficile de savoir ce qui occasionne cet échec car la banque ou le partenaire du marchand ne dispose pas des données de l'émetteur." L'opacité du système ne permet pas d'affiner les processus lorsque les difficultés se multiplient car le volume des transactions est tellement colossal qu'il est quasiment impossible d'accéder à une information précise. Alors que, dans l'esprit du consommateur, le moyen de paiement est directement associé à la marque, lorsqu'un problème intervient avec un prestataire de paiement, cela rejaillit immédiatement sur le marchand. "C'est une responsabilité incroyable qui pèse sur les acteurs du paiement, confie Antoine de la Rivière. Maximiser l'acceptation en minorant le risque, cela repose sur un recours massif à la donnée. Nous collectons un grand nombre de données qui sont injectées en temps réel dans nos modèles d'IA propriétaires afin de toujours proposer une performance optimale à nos marchands."
Localiser les moyens de paiement : pas si simple !
Selon le baromètre Fevad/ LSA/OpinionWay, datant du printemps 2024, 65 % des e-commerçants français vendent à l'international, un chiffre en augmentation de trois points par rapport à 2022 ! Alors que le développement hors des frontières hexagonales est un levier de croissance de prédilection pour les e-commerçants français, bien des difficultés les attendent, notamment dans le choix des solutions de paiement.
C'est ce qu'explique Thibault Deslorieux, directeur des opérations et de l'international pour Tikamoon : "Nous devons proposer les moyens de paiement standards internationaux mais aussi apporter des réponses locales en tenant compte des habitudes des consommateurs." Alors que l'enseigne s'ouvre progressivement au retail, la question de l'omnicanalité des solutions de paiement devient un axe de réflexion. "Nous travaillons à l'homogénéisation des moyens de paiement dans nos magasins et en ligne, afin de proposer du paiement fractionné et du financement sur l'ensemble de nos canaux." À l'occasion de l'inauguration prochaine d'une boutique en Allemagne, il sera ainsi possible de payer directement par PayPal dans le point de vente.
Sécurité, omnicanalité, expérience client... Épreuve de Sisyphe ou supplice de tantale, la réalité de l'e-commerce et du retail est ainsi faite : le monde des paiements électroniques est condamné à une réinvention perpétuelle qui amène l'ensemble de la filière à innover sans relâche.