[Portrait] Pierre Kosciusko-Morizet, figure de proue de l'e-commerce
Publié par Gaelle Jouanne le | Mis à jour le
Fils et frère de personnalités politiques, Pierre Kosciusko-Morizet, alias PKM, a préféré la voie de l'entrepreneuriat et bien lui en prend. Le jeune homme est le fondateur du célèbre site d'achat-vente PriceMinister. Ce trentenaire médiatique fait figure de modèle de réussite entrepreneuriale sur le Web. Portrait.
" Ça m'amuse " et " c'est utile ". Deux expressions qui rythment le discours de Pierre Kosciusko-Morizet. Le talentueux p-dg de PriceMinister, l'une des plus grandes réussites de l'Internet hexagonal, fonctionne selon ces deux principes. Jamais il n'y déroge. Son site d'achat et de vente de produits neufs et d'occasion permet aux particuliers d'augmenter leur pouvoir d'achat et aux professionnels de développer leur business.
" Une mission géniale ! Être directeur marketing d'une firme qui commercialise des cigarettes ? Très peu pour moi. Je veux apporter du sens à mon travail et à celui de mes collaborateurs. " PKM, comme on le surnomme, cherche et trouve l'épanouissement. " J'affirme toujours aux jeunes créateurs d'entreprise que je rencontre ou que je coache que ce n'est qu'en étant heureux et fier de se rendre chaque matin à leur bureau qu'ils atteindront leur sommet. " L'excellence.
Un premier échec entrepreneurial
C'est son père, François, maire de Sèvres, fils et petit-fils d'hommes politiques qui doit être ravi. Lui qui s'est refusé à pousser ses enfants dans une direction ou une autre, mais qui a exigé de sa progéniture qu'elle aille " au bout de ses projets en s'investissant à fond ". Une manière de faire à laquelle le jeune Pierre se conforme avec plaisir. Ainsi, en 1999, il met du coeur et de l'énergie dans la création de Visualis SA, une entreprise de conseil en distribution. Lancée au cours de sa troisième année de HEC, la petite affaire ne vit que quelques mois, lâchée par son unique fournisseur. Départ alors pour New York, où est implantée une société de crédit sur internet qui lui fait les yeux doux depuis l'année précédente. Les salaires de PKM servent à rembourser ses dettes. " J'ai remboursé tout le monde ", précise-t-il.
Aux États-Unis, à l'époque, la Toile fait déjà partie du quotidien. Un nouveau monde s'ouvre au jeune homme. Un monde d'opportunités à saisir et de modèles à suivre. Il est particulièrement intéressé par Half.com, un site qui met en relation des vendeurs et des acheteurs. Un concept inédit en Europe. Ni une ni deux, adieu les States. Retour à Paris. Deux semaines plus tard, associé à son ami Pierre Krings et grâce au soutien de business angels, il crée PriceMinister. On est en 2001. " La bulle Internet venait d'exploser, se rappelle le dirigeant. Autant dire que les banques et les fonds d'investissement nous ont ri au nez. " D'ailleurs, devant le manque d'investisseurs en France, il cofonde en 2008 deux structures, Isai (fonds des entrepreneurs internet ) et Kernel Investissements. " Je réponds à un besoin ", argumente-t-il. En d'autres termes, il mène une action... utile.
Puis une décennie de succès
L'ascension est ensuite fulgurante. PKM n'a peur de personne, ni des mastodontes américains, tels eBay et Amazon, ni des petits nouveaux comme Leboncoin. 17 millions de membres, 200 millions de produits disponibles, 250 000 fans Facebook, entre 30 000 et 50 000 transactions par jour, les chiffres publiés au printemps 2013 impressionnent. Plus de 250 collaborateurs se démènent au quotidien pour ce fleuron de l'économie française. Enfin, qui n'est plus totalement français. En 2010, Pierre Kosciusko-Morizet cède PriceMinister au géant japonais de l'e-commerce, Rakuten. Il conserve toutefois la présidence et la direction générale pour cinq ans. Objectif désormais : conquérir l'Europe. " Toute l'équipe est restée, assure le chef d'entreprise, et notre autonomie demeure la même. La seule différence réside dans notre force de frappe. "
Pourquoi ne pas se la couler douce après avoir touché un chèque de plusieurs millions d'euros ? " J'ai eu envie d'accompagner la croissance de la société que j'avais bâtie et de continuer à m'amuser avec les personnalités qui ont contribué, autant que moi, à la croissance de PriceMinister ", indique-t-il, tout simplement. Envie, amusement. Nous y revoilà. Un moyen également de rester sur le devant de la scène ? " Je me suis pris au jeu des médias dans un premier temps pour assurer la visibilité de mon entreprise et, plus largement, celle de l'e-commerce, puis par goût. Un goût peut-être trop prononcé, lâche-t-il, honnête. On m'a beaucoup vu ! Que les jeunes prennent davantage la relève. " Il se montre maintenant plus sélectif dans ses apparitions et réserve ses propos aux supports qui valorisent l'entrepreneuriat. " Si mon parcours peut susciter des vocations, tant mieux. Je me sentirai utile. Et parler de soi, c'est amusant ", complète le Parisien. La boucle est bouclée.
Début 2001, le site PriceMinister est lancé. Les fondateurs et les premiers salariés rameutent amis et parents qui mettent en vente et achètent les premiers produits. Au bout de trois ou quatre jours, les équipes voient un nom parmi les identifiants de comptes qui ne leur parle pas. " C'était notre premier "vrai" client ", se souvient Pierre Kosciusko-Morizet, encore ému. Un moment fort qui les a soudés dès le début.
Son premier (et dernier) moment de panique
D'un naturel serein, PKM a pourtant connu " 30 minutes d'angoisse intense " lorsqu'il a cru que la deuxième levée de fonds en 2001, nécessaire à la pérennisation de son entreprise, n'aboutirait peut-être pas. " Je me suis vu mettre la clé sous la porte et décevoir tous les investisseurs, parmi lesquels figuraient des proches ", commente-t-il.
PKM se lance dans les affaires avant que sa soeur Nathalie Kosciusko-Morizet, alias NKM, ne se lance en politique. " Dans le business, ce sont les clients qui apportent le succès, pas les grandes soeurs ", souligne le chef d'entreprise, lassé qu'on lui parle de son aînée et de son potentiel impact sur sa carrière de dirigeant. Il s'est fait tout seul et le souligne. La campagne médiatique de l'ancienne ministre et actuelle députée, pour succéder à Bertrand Delanoë à la mairie de Paris, ravive les questions à son propos depuis le début de l'année. Non encarté, le chef d'entreprise estime, en outre, que ce sont plus les entreprises que les politiques qui changent un pays.
Son dernier moment de plaisir
Voici quelques jours, il entend des gens à la terrasse d'un café parler de PriceMinister et des produits qu'ils avaient pu se procurer ou mettre en vente sur le site. Sans s'apercevoir que quelques chaises plus loin se tient le patron de l'entreprise. " Au risque de paraître égocentrique, je dois dire que j'ai ressenti un grand plaisir à cet instant : mon entreprise est rentrée dans les sujets de discussion ", s'extasie-t-il.