[Tribune] E-commerce à l'anglaise: les bons réflexes à adopter en 2021
Publié par Nathalie Habibou et Marc Brocardi (Arsene) le | Mis à jour le
Obligations déclaratives, droits de douane, TVA, tout (ou presque) sur les changements intervenant à partir du 1er janvier 2021 sur les flux e-commerce à destination de la Grande-Bretagne.
Dès 2021, le Royaume-Uni, autrefois État membre de l'Union européenne, deviendra un pays tiers. Un flux aujourd'hui intra-UE deviendra une importation ou une exportation. A l'instar des règles en vigueur à compter du 1er juillet 2021 dans l'UE (à tous les opérateurs -y compris du Royaume-Uni- proposant des biens à des clients dans l'UE), la Grande-Bretagne a mis en place des règles similaires pour les biens vendus sur son territoire. Ces nouvelles mesures s'appliqueront à tous les acteurs de l'e-commerce, qu'ils soient vendeurs (dans leurs relations directes avec leurs clients) ou places de marché (lorsqu'elles s'intermédient).
Toutefois, en fonction de leurs statuts et de leurs rôles respectifs dans le flux, le niveau d'obligations auxquels seront soumis les opérateurs peut varier sensiblement. En conséquence, les opérateurs concernés introduisant les marchandises sur le marché britannique doivent dès à présent adopter les bons réflexes relatifs au traitement TVA/douane de ces flux. Les opérateurs doivent obtenir un numéro EORI de part et d'autre de la Manche et s'assurer qu'ils sont en mesure de réaliser les formalités douanières (en interne ou par le biais d'un prestataire) mais également s'enregistrer aux fins de la TVA.
Pour les biens d'une valeur intrinsèque inférieure à 135£
Une nouvelle redevabilité à la TVA des plateformes est créée. Dès lors que celles-ci facilitent des livraisons de biens en provenance d'un Etat tiers à la Grande-Bretagne et d'une valeur inférieure à 135£ ainsi que des livraisons domestiques à destination de clients B2C, elles deviennent redevables de la TVA en GB (elles seront réputées réaliser la vente).
Deux situations sont à anticiper par les opérateurs:
-Le cas des livraisons de biens en provenance d'un Etat tiers à la Grande-Bretagne d'une valeur inférieure à 135£, qui seront exonérées de TVA à l'importation. Le vendeur ou la plateforme devra soumettre la vente locale au client final B to C à la TVA du Royaume-Uni. En revanche, lorsque le client transmet un numéro de TVA GB valide (B to B), un nouveau mécanisme d'autoliquidation de la TVA s'appliquera (i.e. en principe, collecte et déduction de la TVA sur la même déclaration de TVA). Le cas des livraisons domestiques à destination de clients B to C auxquelles le vendeur ou la plateforme appliquera la TVA du Royaume-Uni. Si le client est un assujetti à la TVA (B to B), seul le vendeur, et non la plateforme, sera redevable de la TVA.
En pratique, il existera une obligation d'émettre une facture au client. Par ailleurs, les guichets uniques européens (notamment à venir IOSS ou OSS) ne pourront pas s'appliquer sur ces flux.
Pour les biens d'une valeur intrinsèque supérieure à 135£
La réalisation de formalités douanières entrainera, a minima, le paiement de droits de douane et de la TVA à importation. Les modalités de paiement dépendront de la procédure de déclaration d'importation et de l'enregistrement de la société importatrice à la TVA en Grande-Bretagne. En utilisant la procédure de dédouanement standard, les droits de douane et la TVA devront être acquittés soit lors du passage à la frontière, soit au travers du "Duty Deferment account" (DDA) permettant un report du paiement au 15 du mois suivant l'importation. Avec une procédure simplifiée, les droits seront forcément acquittés au travers du DDA. Dans tous les cas, l'opérateur identifié à la TVA (ayant recours à un commissionnaire en douane établi au Royaume-Uni) pourra procéder à l'autoliquidation de TVA à l'importation sur sa déclaration de TVA.
Enfin, les opérateurs pourront toujours s'appuyer sur la procédure transitoire spécialement mise en place pour les biens en provenance de l'UE, importés entre janvier et juin 2021.
Spécificités de l'Irlande du Nord
Ces règles ne concernent pas l'Irlande du Nord, qui continuera à être considéré comme un Etat membre de l'UE. C'est donc la réforme de l'e-commerce en vigueur au 1er juillet 2021 dans l'UE qui sera applicable pour les flux B to C. D'une manière plus générale, pour les ventes vers ou en provenance de l'Irlande du Nord, les opérateurs devront utiliser le préfixe "XI" en lieu et place de "GB".
Point d'attention sur les contrôles douaniers, au-delà ceux réalisés en matière de TVA
Au contrôle fiscal actuel s'ajoutera désormais le contrôle douanier consistant à opérer un contrôle physique de la marchandise à la frontière (valeur en douane déclarée, origine des marchandises, classement tarifaire, etc.). Également, les règles de sécurité et des documents spéciaux nécessaires à certains produits (aliments, alcools, tabac, médicaments etc.) devront être sécurisées. Toute erreur pourra donner lieu à des blocages au point d'importation, des saisies, voire des destructions.
L'auteur
Nathalie Habibou est associée au sein du cabinet Arsene, spécialisée en matière de TVA & taxes indirectes. Depuis 2008, elle intervient auprès des clients français et internationaux opérant dans tous les secteurs d'activités (luxe, énergie, immobilier, pharmaceutique, grande distribution, tourisme, SSII, e-commerce). Elle a par ailleurs acquis une expérience à haute valeur ajoutée en matière de fiscalité informatisée (dématérialisation fiscale des factures, PAF, CFCI & Archivage fiscal, FEC, Conformité des logiciels de caisse). Elle est également membre de l'APTE (Association des Praticiens de la TVA Européenne), de la Commission TVA de l'IACF (Institut des Avocats Conseils Fiscaux), et du Comité TVA de la Confédération fiscale européenne (CFE).
Marc Brocardi est associé au sein du cabinet Arsene, spécialisé en douane, TVA et taxes indirectes. Il intervient depuis 1999 dans différents secteurs d'activité (luxe, aéronautique, défense, électronique, énergie, environnement) et a développé un savoir-faire spécifique dans l'optimisation & la sécurisation de la gestion TVA / douane des flux physiques, structuration de la fonction douane, demande de ruling sur la valeur en douane, assistance en matière de fiscalité énergétique, environnementale et de contributions indirectes, assistance à contrôle et contentieux devant les juridictions. Marc Brocardi est membre de l'ODASCE et du Cercle Collin de Sussy. Il a auparavant travaillé au sein du cabinet Landwell & Associés.