[Tribune] Assistants vocaux et enceintes connectées relèveront-ils le défi de l'e-commerce?
Publié par Estelle Chandèze (Ipsos France) le - mis à jour à
En 2019, 46% des internautes français avaient déjà utilisé un assistant vocal, que ce soit sur un smartphone, un ordinateur, une tablette, une enceinte ou une smart TV. D'après la Cnil, il existe 16 à 20 millions d'utilisateurs en France.
Avec la crise sanitaire et les confinements successifs, la sphère du logement a été surinvestie, l'essor du bricolage et du jardinage l'attestent: les Français ont cherché à se créer un cocon. S'il est encore un peu tôt pour mesurer l'impact réel des mesures anti Covid-19 sur leur marché, les objets connectés font partie de ces équipements qui aident à améliorer le confort au quotidien avec comme bénéfices principaux le gain de temps et la facilitation de la vie au quotidien.
Parmi eux, les enceintes permettent plusieurs usages, liés avant tout au divertissement et à l'information: l'écoute fait partie des usages majeurs (89% des utilisateurs écoutent de la musique sur ces supports, un tiers, des podcasts ). Elles répondent aussi à des besoins pratiques pour la vie au quotidien: consulter la météo, piloter d'autres objets connectés au sein du logement (ampoules ou volets par exemple), assister à la réalisation de recettes de cuisine...
Les assistants vocaux ont encore du mal à simplifier les achats
Cependant, au-delà de ces usages les plus évidents, les assistants vocaux ne semblent pas encore être au rendez-vous des achats en ligne, comme le montre notre analyse Cracking the code for voice commerce. On aurait pu imaginer que demander à Amazon Alexa ou Assistant Google d'acheter tel ou tel produit directement sur Internet comme on parlerait à quelqu'un simplifierait la vie des consommateurs.
Mais il existe encore de nombreux freins au développement de ces utilisations, les bénéfices de passer par la voix plutôt que par un écran ou clavier ne sont pas toujours clairs. De nombreux modèles d'enceintes sont d'ailleurs dépourvus d'écrans: le consommateur ne peut visualiser ni vérifier son achat avant de le valider définitivement. Il ne reçoit ensuite pas de confirmation tangible comme la facture dans l'e-commerce classique. Enfin, de nombreux consommateurs ont partagé des expériences dissuasives, comme cette mère de famille américaine: ses enfants avaient utilisé Alexa pour commander leurs propres cadeaux de Noël, soit une facture de... 700 dollars!
Dans les cas d'usage où il n'y a pas de risque perçu dans l'utilisation de la voix, parce que la possibilité d'une erreur est inexistante, ou sans conséquence grave, l'assistant vocal a toute sa place: c'est le cas des usages liés au divertissement, à l'information ou au pilotage des objets connectés, évoqués plus haut. A l'inverse, quand l'acte devient plus impliquant parce qu'il comporte des paiements, des codes de carte bancaires, des données personnelles, un système défensif peut se mettre en place. La valeur ajoutée de la voix n'est pas perçue: la question de l'utilité des assistants vocaux est posée. De plus, la confiance n'est pas installée chez les consommateurs, par rapport à la protection des données personnelles et bancaires. La crainte que la technologie devienne intrusive (utilisation de l'historique des commandes, tracking...).
Pour se diffuser, les assistants vocaux ont encore des bénéfices à prouver
Les consommateurs ont besoin de sentir qu'un assistant connecté utilisé pour le commerce vocal "fait le job à leur place", en les aidant à épargner du temps de recherche avec des offres prédictives personnalisées ou en leur donnant accès à des prix compétitifs plus facilement accessibles que sur d'autres canaux. La veille sur les prix d'un produit en particulier et une alerte lorsqu'une baisse ou une promotion ont été repérées par l'algorithme évitent au consommateur de faire cette veille lui-même, d'avoir à consulter des notifications sur un autre appareil.
Ils ont besoin d'être en confiance. Notifications après l'achat et e-mail de confirmation de commande ont leur rôle à jouer, en particulier comme validation visuelle de l'acte d'achat et préservation d'une partie des routines antérieures. De même, une notification appliquée à un produit précédemment acheté sur l'application réduit le risque d'erreur et évite toute confusion. Enfin, les assistants vocaux doivent accompagner la vie quotidienne des consommateurs pour devenir un réflexe: s'ils sont intégrés à d'autres outils comme les calendriers, les messageries, ils élargiront le spectre de leurs services et de leurs propositions, créant de nouvelles opportunités pour le commerce vocal.
L'auteur
Estelle Chandèze est directrice de l'expertise innovation pour le secteur des services, au sein de l'unité d'Ipsos dédiée aux études d'innovation et de compréhension des marchés. Ses 12 ans d'expérience dans différents instituts d'études lui ont permis de développer une connaissance approfondie des attentes des consommateurs sur les univers du digital, des nouvelles technologies, des télécoms et des média. Chez Ipsos, Estelle Chandèze est experte de la solution Ipsos Vantis, qui permet de tester le potentiel de nouveaux concepts dans l'univers des services avec une comparaison à une base de données mondiale de plus de 39000 cas.