[Tribune] Expérience d'achat en ligne : les grands dilemmes à résoudre
Publié par La rédaction le - mis à jour à
Dans un marché du e-commerce dont la croissance ne faiblit pas (+8,4% au 2ème trimestre 2024 selon la Fevad), les plateformes et marketplaces continuent de tirer leur épingle du jeu, aux côtés des nouveaux acteurs du e-commerce asiatique plus agressifs que jamais.
Par Rémy GARNIER, Directeur Général chez Razorfish France et membre de l'AACC.
Face à ce paysage concurrentiel, les marques se doivent d'agir pour proposer des expériences performantes et différenciantes qui sauront convaincre leur public parmi les 39,4 millions de Français qui achètent désormais en ligne chaque année.
Pour autant, la construction de telles expériences peut vite devenir un casse-tête face aux multiples paradoxes rencontrés : signaux contradictoires de millions d'utilisateurs, réalités technologiques et budgétaires souvent inconciliables ou encore nécessité de se démarquer dans un univers hyper codifié.
Décryptons ensemble les 3 dilemmes à dépasser pour les marques qui cherchent à optimiser leurs parcours d'achat en ligne.
« Efficacité vs. Sérendipité » : laisser de la place à la balade numérique
Si le taux de conversion et les revenus en ligne restent les KPIs maîtres du succès en e-commerce, la démultiplication des touchpoints et des messages publicitaires pour s'y rendre a intensifié et transformé certains comportements d'achat. Là où certains voient des « abandonnistes panier », nous pourrions aussi interpréter ce comportement comme celui d'un passe-temps et voir ces acheteurs comme des « panier builders » qui utilisent l'ajout au panier comme favoris. Une réinvention de la chalandise cette fois numérique pour comparer les produits : au sein d'un même panier, entre plusieurs sites de marques et même pour éprouver leur désir dans le temps...
Il ne s'agit donc plus d'optimiser le tunnel fonctionnel mais plutôt de parvenir à générer l'étincelle qui fera la différence. Et c'est là où la sérendipité rentre en jeu. En se focalisant sur l'efficacité des parcours, les sites perçoivent l'achat exclusivement comme une action consciente et rationnelle dont l'objectif final est le paiement. Mais c'est sans compter sur ces découvertes fortuites qu'on ne cherchait pas, celles que l'on fait typiquement lorsque l'on chine sur les marchés et les brocantes et qui créent l'étincelle de la trouvaille heureuse. Bien sûr, il faudra continuer à penser des parcours de conversion linéaires et rapides, mais construire des balades sur le site qui commencent d'ailleurs en amont de celui-ci, dès les feeds sociaux peuvent permettre de se positionner de façon performante et mémorable dans le coeur des acheteurs. Faut-il encore laisser la place à cette sérendipité de s'exprimer dans un lot d'informations en continu...
« Simplicité vs. Exhaustivité » : mieux informer grâce à l'IA
Alors que 50% des acheteurs en ligne ont déjà abandonné un panier par manque d'informations (Syndigo), 74% l'ont aussi déjà fait face à un trop-plein d'informations et de choix (Accenture). Il est vrai que dans la course à l'optimisation des expériences d'achat, les e-commerçants ont souvent enrichi les parcours de spécifications techniques, de visuels, et de contenus en tout genre sur le produit et la marque pour garantir l'exhaustivité de l'information et répondre à tous les besoins de tous les utilisateurs au risque d'en perdre leur lisibilité. Quitte à développer des briques additionnelles dans l'expérience pour aider à la décision, sans jamais réellement simplifier ou alléger l'expérience et la charge cognitive.
C'est là toute la promesse de l'IA. En effet, avides d'exhaustivité et de données, les IAs peuvent absorber la complexité et la richesse des informations produites pour n'en régurgiter que la substantifique moelle à l'utilisateur. Et surtout celles qui comptent pour chacun des utilisateurs et de la façon qui leur convient le mieux : pour certains, savoir la contenance du coffre en litres de leur future voiture, pour d'autres, savoir s'ils peuvent y mettre 3 valises et une poussette. Grâce à l'IA, les e-commerçants pourront proposer des véritables parcours où la personnalisation est synonyme de simplicité pour une expérience parfaitement calibrée donc plus performante et plus satisfaisante.
« Immersif vs. Template » : oser sortir du cadre
Le dernier dilemme nous renvoie à la forme de ces expériences e-commerce. Alors que celle-ci s'est extrêmement codifiée au fur et à mesure des années, les sites web ont fini par tous se ressembler. Pour le meilleur de l'efficacité, ou pour le pire de la commoditisation ? Avec un risque d'intermédiation toujours plus fort des plateformes et demain des IAs (de Search notamment), les sites e-commerce doivent penser autant court-terme (taux de conversion, checkout, etc.) que long-terme (différenciation, préférence, etc.) pour assurer leur pérennité. La templatisation des expériences digitales rassure car elle permet de maîtriser les enjeux budgétaires du passage à l'échelle tout en s'inscrivant dans la norme. Pour autant, elle n'affranchit pas de la course sans fin aux ajustements des nouveaux codes et des tendances à suivre et n'autorise que très peu à explorer d'autres voies.
Mais quid de penser des expériences d'achat plus grandioses, plus subjectives et immersives, telles des websites flaghips, pour s'affranchir des plateformes qui normalisent et des IAs qui moyennisent. Une façon de penser les parcours d'achat en ligne comme de véritables moments ludiques et même comme des expériences de pop culture qui mettent en scène la richesse des marques en puisant dans leur histoire...
L'ultime paradoxe...
Se positionner face à ces 3 dilemmes augure des choix structurants pour optimiser les expériences e-commerce et surtout construire les parcours de demain. Au-delà d'y répondre, se pose un ultime paradoxe, le Dr Jekyll et Mr Hyde du digital : réconcilier responsabilité et innovation dans les expériences d'achat en ligne. Une affaire complexe quand on voit par exemple l'intérêt grandissant pour l'IA potentiellement au détriment des enjeux environnementaux.