"Repenser les périphéries commerciales pour créer les villes de demain
Publié par Christelle Magaud le | Mis à jour le
Frey vient d'être élu foncière préférée des enseignes ! C'est un atout supplémentaire pour les accompagner dans les nouveaux centres commerciaux mixtes que Frey veut créer en entrée de ville. Les explications de Pascal Barboni, Directeur général adjoint au développement de Frey.
Quel bilan faites-vous de la situation à date des lieux de commerce en France ? ?
D'une manière générale, les zones commerciales en entrée de ville sont accusées d'un certain nombre de maux : étalement urbain, déclin commercial du centre-ville, problématique de sobriété énergétique... Sans oublier que les "boîtes" construites dans les années 80 gâchent aussi le paysage. Ce n'est pas faux, même si le commerce n'est pas seul responsable.
Par ailleurs, dans le bilan, il faut bien voir aussi que les zones de périphéries subissent elles aussi les évolutions profonde des tendances de consommation : fragilisation des très grands formats de la distribution alimentaire, développement du e-commerce... Pour autant, elles conservent de véritables facteurs d'attachement : une faible vacance malgré la pandémie (8 % environ en 2020 dans les zones commerciales vs 13 % pour les autres types de pôles marchands), une bonne accessibilité et une offre de stationnement en adéquation avec les besoins. Elles ont prouvé leur utilité : 70 % des dépenses des Français se font toujours dans les commerces en périphérie des villes, cela démontre bien leur intérêt pour le public. Avec pour seule vertu la praticité, ces zones commerciales périurbaines sont donc à la fois des succès économiques, mais également des échecs urbains qu'il convient de transformer et faire muter.
Avez-vous quantifié le potentiel des principales zones commerciales à "reconstruire" ?
A date, nous estimons qu'il existe sur les 243 zones commerciales de périphérie des 21 plus grandes aires urbaines françaises, un gisement de fonciers artificialisés de 55 000 hectares. Ce qui représente à terme un potentiel théorique d'environ 70 millions de m2 de densification à usages mixtes (services, logements, bureaux, commerces...).
Quelle solution apportez-vous ?
En tant qu'opérateur spécialisé dans le renouvellement urbain et commercial des entrées de ville, nous sommes bien conscients des enjeux de transformation pour ces zones. Mais nous sommes aussi des ardents défenseurs du commerce physique. C'est la raison pour laquelle nous avons mis en place un partenariat avec les Banques des Territoires et CDC Habitat. L'idée étant de mutualiser nos savoirs-faire pour transformer ces zones vieillissantes en véritable quartiers de ville, mixtes attractifs. Grâce à ce fonds doté d'une première phase de 200 M€, nous pouvons acquérir les fonciers et procéder à leurs remembrements. Egalement, nous allons accompagner les commerçants présents sur place pour les aider à trouver le meilleur local possible et leur éviter une rupture d'activités durant les travaux. Bien sûr, il s'agit de projets à long terme, c'est pourquoi ce partenariat s'étend sur une durée de 20 ans.
Concrètement, comment allez vous redessiner ces lieux de commerce ?
Plutôt que des centres commerciaux, nous créons avant tout des centres d'intérêts collectifs, vivants, conviviaux et respectueux de l'environnement. Au travers des lieux que nous gérons et développons, nous voulons montrer que l'utilisation du commerce dépasse celle de la simple transactions marchande et participe à la mise en relation des individus. Nous prônons un commerce durable, tant pour l'environnement que pour nos visiteurs et nos commerçants. A titre indicatif, au S1 2022, le CA des commerçants sur nos sites est en croissance de +5,2% par rapport au niveau enregistré en 2019 avant la crise sanitaire et surperforme nettement l'indice sectoriel à - 8,5 % (source CNCC).
Pouvez- vous citer un projet de restructuration sur lequel vous travaillez ?
Notre dernier programme en date est celui que nous développons en partenariat avec Migros France. Nous nous sommes associés pour restructurer le site haut-savoyard Vitam. C'est un très bon exemple de transformation. Nous voulons faire en sorte que ce nouveau Vitam soit vecteur de création de richesses pour le territoire et générateur d'une nouvelle mixité urbaine. Nous venons ici consolider un actif créé en 2009 et aussi traiter une friche urbaine avec une extension qui intégrera commerces, bureaux, logements, services...
Vous êtes la première foncière à être passée entreprise à mission en 2021. En quoi cela impacte-t-il votre activité ? ?
Nous n'avons pas attendu d'être entreprise à mission pour travailler sur des sujets environnementaux et sociaux. Je rappelle qu'en 2010, nous avions déjà été précurseur en étant la première société immobilière à livrer un lieu de commerce certifié de haute qualité environnementale. (HQE). Mais il est vrai que la Loi Pacte nous a donné l'opportunité de véritablement mettre en place une stratégie RSE. Nous nous fixons ainsi des objectifs et nous rendons compte chaque année à l'ensemble des parties prenantes de la manière dont nous nous inscrivons dans cette démarche de progrès.
Avez vous formalisé cette démarche de progrès dans un concept de centre-commercial ?
Oui, le premier programme qui illustre pleinement notre trajectoire et nos ambitions sociétales, sociales et environnementales est le programme "shopping promenade coeur d'Alsace". En quelque sorte, c'est notre premier Shopping Promenade "à mission", avec des marqueurs forts. Nous avons créé un agroparc de 5 hectares pour permettre à une trentaine d'agriculteurs de produire en circuit ultra-court ; Nous avons aussi établi sur place le Social Club, une maison de la Culture et des Associations, le social Market, un espace pensé pour promouvoir une consommation raisonnée, par exemple au travers de la seconde main, 2 pôles de santé ...
Pour finir, comment voyez-vous, dans le futur, l'évolution du digital dans le commerce ?
Il y a deux manières de concevoir le commerce de demain : soit en le développant de manière physique et en l'adaptant aux nouveaux modèles de consommation, soit en le dématérialisant complètement. Nous sommes bien évidemment partisans de la première solution, sans pour autant mettre de côté les bienfaits du digital. Mais nous le considérons comme un outil au service des enseignes et des clients et non pas comme le coeur de notre stratégie. Nous privilégions d'ailleurs le fait d'offrir des moments de déconnexion dans nos centres, ce qui peut paraître à contre-courant de certains de nos concurrents.