La reconquête des 3 Suisses par ShopInvest
Publié par Dalila Bouaziz le - mis à jour à
Rachetés une nouvelle fois en novembre 2018, par le groupe de commerce en ligne ShopInvest, les 3 Suisses espèrent se relancer, cette année, en misant sur un e-commerce plus humain.
2019 sera-t-elle l'année de la renaissance pour les 3 Suisses? Cet ancien fleuron de la vente par correspondance, créé en 1932 à Roubaix, connaît de graves difficultés depuis une dizaine d'années. Alors qu'en 2005, la société nordiste réalise un chiffre d'affaires d'un milliard d'euros, treize ans plus tard, elle tombe à 120 millions d'euros et affiche 60 millions de pertes sur le dernier exercice.
Pourtant, le groupe prend, dès 1995, le virage de l'e-commerce, mais très vite, l'enseigne est dépassée par l'arrivée des pure players, spécialisés dans la mode en ligne, au rythme de collections plus rapide et à la logistique plus souple. S'ensuit alors, pour les 3 Suisses, une multitude de rachats. Détenu par l'Association familiale Mulliez (Groupe Auchan), le vépéciste est revendu au groupe d'e-commerce allemand Otti, puis de nouveau racheté par un spécialiste lillois de la vente par correspondance destinée aux seniors, Domoti.
En novembre dernier, le groupe de commerce en ligne spécialisé dans la mode et la décoration ShopInvest (MenCorner, Bijourama, Declickdeco, Lemon Curve...), dirigé par Karine Schrenzel et Olivier Gensburger, acquiert la marque pour un montant confidentiel. Un rachat qui intervient après que le groupe Domoti, propriétaire des 3 Suisses depuis 2017, a lui-même approché ShopInvest en juin 2018.
La reconstruction passe par la collaboration
Le défi est énorme, mais il ne fait pas peur à ce couple d'entrepreneurs. ShopInvest réalise 35 millions d'euros de chiffres d'affaires et compte 50 salariés. "C'était un rêve de reprendre cette enseigne iconique, avec une notoriété assez rare en France, déclare la nouvelle dirigeante, Karine Schrenzel. Depuis l'annonce du rachat, nous avons reçu des milliers de messages de personnes qui nous témoignent leur confiance dans cette marque au très fort capital sympathie."
Pour relancer les 3 Suisses, les deux dirigeants misent sur une stratégie de coconstruction, avec le lancement, en février dernier, d'une grande enquête collaborative sur les réseaux sociaux et par téléphone, baptisée "Imagine3Suisses". "Plutôt que de se mettre à deux avec Olivier (Gensburger) ou avec toute l'équipe pour réfléchir à ce qu'évoquent les 3 Suisses, quels produits proposer... nous préférons faire participer les clientes, en les interrogeant sur l'offre, sur les services qu'elles souhaitent trouver, afin de définir notre stratégie globale et obtenir une vision claire de la marque", explique Karine Schrenzel. Les deux patrons possèdent, pour cela, une base de données de 8 millions de clientes, dont 2 millions de profils actifs. Ce printemps, les 3 Suisses présenteront leur nouvelle proposition de valeurs et leur nouvelle offre.
Un fonctionnement en mode test and learn
En parallèle, ShopInvest procède à la migration technique de la plateforme des 3 Suisses sur ses propres systèmes, pour la rendre plus agile et plus mobile. Le développement d'une application est prévu au cours de l'année. "Nos clientes veulent retrouver un lien de proximité à travers le site, souligne la nouvelle propriétaire. Nous allons les écouter pour comprendre leurs besoins et leurs attentes. Au fur et à mesure, nous changerons certains éléments dans l'ergonomie du site." Les deux associés souhaitent conserver, à côté du digital, le célèbre catalogue papier. "Le Web reste central, c'est notre savoir-faire au sein de ShopInvest. Il représente 80% des commandes sur les 3 Suisses - et davantage dans les prochaines années, insiste-t-elle. Le catalogue est, pour sa part, un vecteur d'émotions, il peut être feuilleté chez soi à tête reposée. Ces deux canaux sont complémentaires pour les acheteuses. Nous voulons apporter le meilleur du digital en termes d'efficacité, d'expérience servicielle, et une émotion à travers la marque."
Les nouveaux patrons veulent également renforcer le service clients et donner des accès à des contacts privilégiés avec des téléconseillers dédiés. "Nous aspirons à humaniser la relation plutôt qu'à suivre la tendance actuelle consistant à installer des chatbots", observe Karine Schrenzel. L'effectif des 3 Suisses, composé d'une quarantaine de collaborateurs, va être conforté avec le recrutement d'une vingtaine de profils, dans les métiers de l'IT, du marketing et de la data. Pour 2019, les objectifs de ShopInvest sont clairement exprimés: passer dans les 12 mois à 4 millions de clients actifs. Actuellement, le coeur de cible de la clientèle se situe entre 40 et 55 ans. "Notre but n'est pas de la rajeunir absolument, la marque est assez forte pour s'adresser à toutes les générations", justifie Karine Schrenzel. Une marque souvent comparée à sa concurrente historique La Redoute. "C'est une formidable aventure entrepreneuriale, que je respecte beaucoup. Nous nous voyons, pour notre part, comme une alternative aux places de marché. Nous voulons nous positionner dans un rôle de curateur, dans la sélection des produits pour nos clientes", commente Karine Schrenzel.
Les 3 Suisses bénéficient d'une base de 8 millions de clients, dont 2 millions de profils actifs. 60 millions de pertes sur le dernier exercice (et 650 millions de pertes cumulées sur 13 ans).
Le groupe français ShopInvest regroupe 10 sites e-commerce spécialisés dans les bijoux, les cosmétiques, la décoration, la lingerie... (MenCorner, Declikdeco, Lemon Curve...).