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Les stratégies RSE des retailers

Publié par Dalila Bouaziz le | Mis à jour le

Les attentes des consommateurs et le cadre législatif ont changé la donne dans le retail. Les enseignes et les marques se sont emparées des enjeux de responsabilité sociale et environnementale pour assurer leur résilience.

"La responsabilité sociale et environnementale des marques et enseignes repose sur quatre piliers, explique Laurent Thoumine, responsable du secteur retail au sein d'Accenture. L'interaction avec les consommateurs et cette nécessité de transparence, la manière dont ces sociétés traitent leurs employés, l'attention portée à la planète (choix des produits, des transports) et enfin l'engagement de leur démarche auprès des actionnaires." En France, le degré de connaissance de la RSE progresse: 75 % des GMS (Grande et moyenne surface) et GSS (Grande surface spécialisée) déclarent connaître cette notion versus 61% en 2019 (baromètre Comerso avec Ipsos, janvier 2020). Néanmoins, 38% des responsables d'entreprises interrogés ne sont pas totalement convaincus de leur rôle à jouer -via leur société- dans la lutte contre le réchauffement climatique et la dégradation des écosystèmes. La finalité même de la RSE n'est donc pas encore totalement acquise dans les entreprises, avec des disparités en fonction des secteurs d'activité.

La grande distribution, un secteur en avance

"Historiquement, la grande distribution est un secteur bien engagé dans ces pratiques de gestion des déchets pour lutter contre le gaspillage alimentaire", souligne François Vallée, directeur communication et marketing de Comerso, société spécialisée dans la collecte des invendus. En 2016, la France a, en effet, été le premier pays dans le monde à légiférer via la loi Garot en interdisant la destruction des invendus alimentaires et en obligeant les surfaces de vente de plus de 400m2 à signer une convention de dons auprès d'associations caritatives.

L'instauration de ce cadre juridique a permis à des start-up comme Phenix ou Comerso de se développer. "Nous travaillons avec -encore- une faible partie du réseau des magasins, indique François Vallée. En France, nous recensons 15000 points de vente dans la GMS et collaborons avec 1000 d'entre eux. De nombreux points de vente continuent de gérer en interne la collecte. Par rapport à l'an dernier, nous observons un début d'essoufflement des priorités RSE. Cette problématique nécessite de la part des magasins et des entreprises une attention au quotidien."

Néanmoins, de nombreux distributeurs (Leclerc, Carrefour, Auchan, Casino, Système U, etc.) s'engagent sur ces enjeux de développement durable. "Nous avons répondu à l'esprit de la loi en réduisant autant que possible le gaspillage avec pour dernier ressort le don, souligne Matthieu Riché, directeur RSE du groupe Casino. Nous avons optimisé nos process (analyse des produits les plus donnés, amplification des promotions pour les articles dont la date de péremption est proche...) et investi dans des solutions, à destination de nos chefs de rayon, pour suivre en temps réel les dates de limite de consommation. Un magasin n'a aucun intérêt à avoir du gaspillage."

Autre enjeu clé pour la distribution, la réduction de la consommation énergétique des magasins afin de diminuer leur impact climatique en développant l'autoconsommation (via l'énergie solaire des toits et parkings des magasins). "D'ici à 2025, nous nous sommes engagés à réduire de 18% les émissions de gaz à effet de serre liées à nos activités -meubles froids et transport-, et de 10% pour la partie produits, en agissant avec nos fournisseurs", explique Matthieu Riché. Depuis deux ans, la majorité des points de vente Franprix et Casino ont couvert leurs meubles froids de portes, et plus de 75% chez Monoprix.

La distribution spécialisée et la Loi sur l'économie circulaire

Depuis janvier et le vote de la loi sur l'économie circulaire, la distribution spécialisée est également concernée par l'interdiction de la destruction des invendus non alimentaires. "La GSS est loin derrière la GMS en termes de pratique anti-gaspillage, pointe François Vallée de Comerso. Il n'y a pas eu d'anticipation de leur part par rapport à cette loi." Des propos nuancés par Thomas Delattre, professeur à l'Institut français de la mode. "Certains secteurs, comme le luxe ou les marques de sport, se sont très vite engagés dans une mode plus écoresponsable et durable, analyse-t-il. Nous observons un rattrapage ces deux dernières années avec une prise de conscience massive des enjeux RSE chez l'ensemble des acteurs du marché."

L'industrie textile est, en effet, le deuxième secteur le plus polluant au monde en raison de l'utilisation de produits chimiques dans les teintes de vêtements, des distances de livraison des marchandises et de leurs sourcings... "Le problème réside dans la production effrénée du prêt-à-porter et de ses stocks trop élevés", souligne Laurent Thoumine d'Accenture. Parmi les décrets -non finalisés-, les enseignes auront pour obligation de mettre en place des bornes de collecte dans leurs points de vente et gérer leurs revalorisations auprès de filières existantes. "C'est l'un des leviers les plus simples à mettre en oeuvre pour une marque, note Thomas Delattre. Il nécessite un investissement limité et demeure très visible pour le consommateur en magasin."

L'essor du marché de l'occasion

Depuis dix ans, le marché de l'occasion s'accélère en France: 7 milliards d'euros au global en 2019 et une croissance 24 fois supérieure à celle du retail traditionnel. La première raison d'achat demeure le prix même si le critère environnemental devient plus important. La grande distribution, Leclerc en tant que pionnier et plus récemment Carrefour, Auchan et Système U, s'est également mise à l'occasion via des partenariats avec des enseignes spécialisées sur ce créneau (Cash Converters, Patatam, etc.). "En une décennie, nous sommes passés de 15% des consommateurs qui achetaient au moins un article de mode de seconde main dans l'année à 40% en 2019, souligne Thomas Delattre, spécialisé dans les comportements du consommateur. Ce phénomène s'adresse à toutes les catégories socioprofessionnelles et de tous âges, et aussi bien les hommes que les femmes."

Le secteur est porté majoritairement par le digital avec l'émergence de plateformes comme Vinted (56% des consommateurs ont acheté leurs vêtements d'occasion sur cette plateforme en 2019), Vestiaire Collective, Videdressing ou Leboncoin, et de nouveaux modes d'achat. Cette accélération prend deux formes, l'achat de seconde main et la vente de ses propres produits avec parfois les deux simultanément. "Toutes les marques et enseignes se penchent sur ce marché de la seconde main, note Thomas Delattre. Néanmoins, la rentabilité demeure compliquée."

De nombreux distributeurs, y compris parmi les mass market, ont compris l'importance de la revalorisation de leurs produits. Cyrillus et Camaïeu ont ainsi lancé leurs plateformes dédiées à la revente de produits de seconde main entre particuliers. La marque leader Kiabi a installé des corners physiques dans des hypermarchés Auchan. En France, la vente de vêtements d'occasion est estimée à un milliard d'euros sur un marché de 30 milliards en 2019. "Nous devrions atteindre les 5 milliards d'euros d'ici à trois ans", indique Laurent Thoumine d'Accenture.

La location dans le prêt-à-porter, un marché naissant

Si la location commence à prendre véritablement forme aux États-Unis avec Rent the Runway ou Urban Outfitters, en France ce nouveau mode de consommation reste encore à ses balbutiements. Des marques comme ba&sh ou Bocage ont lancé un service de location mais elles sont encore peu nombreuses. "La proportion de consommateurs demeure trop faible pour être quantifié, explique Thomas Delattre de l'Institut français de la mode. Nous commençons à voir des marchés de niche sur des segments spécifiques comme la location de vêtements de cérémonie, d'accessoires de luxe... Néanmoins, nous n'avons pas encore de "Vinted de la location" qui s'adresserait à toutes les catégories de produits et profils."

Quand les marques communiquent sur leurs engagements RSE

"Lorsque nous mesurons les performances des campagnes RSE des distributeurs auprès des consommateurs, nous observons que tous les items progressent, notamment celui de la confiance, une dimension extrêmement importante dans l'impulsion d'achat", souligne Gaëlle Le Floch, directrice stratégique chez Kantar. En moyenne, 70% des campagnes RSE renforcent l'item de la confiance de huit points. Le gain de part de marché est également boosté. Durant la crise sanitaire, les opérations de communication, menées par les marques et enseignes, ont mis en avant les patrons des magasins, leurs engagements, leurs valeurs... "Ils sont 87% à avoir entendu parler de ces initiatives, pointe Gaëlle Le Floch. Nous avons notamment des enseignes de GSA qui ont été particulièrement remarquées et félicitées, beaucoup plus que les marques. Elles ressortent à hauteur de 60%."




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