Les députés adoptent la taxe YouTube
Publié par Anaïs Farrugia le | Mis à jour le
L'amendement à la loi des Finances qui prévoit de taxer à 2% les recettes publicitaires perçues par YouTube et plus largement " tout opérateur qui propose un service d'accès à du contenu audiovisuel ", a finalement été adopté par les députés le 6 décembre malgré l'avis défavorable du gouvernement.
4 milliards de dollars, c'est le chiffre d'affaires de YouTube pour l'année 2015, la plus célèbre plateforme vidéo du monde qui compte près d'un milliard d'utilisateurs actifs par mois et près de 4 millions de visiteurs par jour. Cependant, l'hébergeur ne publie jamais les chiffres de ses bénéfices.
Les députés socialistes Karine Berger, Bruno Le Roux et Pierre-Alain Muet ont finalement adopté la "taxe YouTube", malgré l'avis défavorable du gouvernement. L'amendement instaure une taxe sur les revenus publicitaires des plateformes hébergeurs de vidéos comme YouTube, Dailymotion, Vimeo ou encore Netflix. Ces plateformes mettent à la disposition des internautes des vidéos financées par du contenu publicitaire.
Ils avaient déposé et voté début octobre un amendement prévoyant de taxer à hauteur de 2% YouTube sur ses recettes publicitaires. La commission des Finances de l'Assemblée qui s'était réunie mercredi 19 octobre avait rejeté cet amendement mais il a quand même était adopté par les députés mardi 6 décembre. Cette taxe doit s'appliquer à " tout opérateur qui propose en France un service qui donne ou permet l'accès, à titre onéreux ou gratuit, à des oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles ou autres contenus audiovisuels ".
Le secrétaire d'Etat au Budget, Christian Eckert, a dit craindre que " ce ne soit plutôt une taxe Dailymotion ", jugeant " extrêmement difficile d'aller la recouvrer auprès d'un opérateur qui n'est pas sur notre territoire, alors que ce serait plus facile auprès d'opérateurs installés chez nous ". Selon lui : " cette taxe ne serait qu'une mini-piqûre de moustiques pour les géants dont nous parlons ".
Les députés PS souhaitent contraindre les plateformes de vidéos à reverser 2% de leurs recettes publicitaires et de parrainage perçues, au CNC (Centre national du cinéma) et au-delà de 70 millions d'euros, au budget général de l'Etat. Pour les contenus à caractère pornographique, la taxe s'élèverait à 10%. Ce dispositif s'inspire de la taxe dont doivent déjà s'acquitter les services de vidéos à la demande, de vente et de location de DVD. Cependant, les sites de bandes annonces comme Allociné ou IMdB ne seront pas concernés ainsi que les media et sites de presse dont " les contenus audiovisuels sont secondaires ". D'autres exceptions plus complexes sont également précisées dans cet amendement : une exemption de taxe pour les recettes publicitaires inférieures à 100 000 euros et les vidéos d'amateurs bénéficieraient d'un abattement de 66%, mais le texte ne donne pas de définition " d'amateur ".
YouTube : un statut d'hébergeur très avantageux
Dans cette proposition de loi, YouTube est assimilé à de la location de vidéo et pas à une chaine de télévision. Et ce car la plateforme est considérée comme un hébergeur de vidéos et non pas un éditeur. Son statut lui permet de bénéficier de beaucoup d'avantages en matière de responsabilité juridique et de liberté par rapport aux contenus en ligne. En 2013, le CSA avait rédigé un rapport pour imposer à YouTube les mêmes obligations que celles imposées aux VOD et SMAD (service de médias audiovisuels à la demande). " Ces plates-formes (...) développent depuis plusieurs années des partenariats avec des éditeurs audiovisuels ou des fournisseurs de contenus, avec lesquels elles partagent les revenus issus de la publicité. Elles éditent parfois directement certains services ou exercent dans certains cas un rôle de distributeur de SMAD. Il en va ainsi par exemple de YouTube qui a lancé en France en 2011 des chaînes thématiques exclusives ", indiquait le rapport. Une tentative vaine en raison du statut d'hébergeur de YouTube.
Limiter l'optimisation fiscale des GAFA
Le problème de la taxation des géants du Web comme Google, Amazon, Facebook et Apple (GAFA) semble être constant. La Commission Européenne exige par ailleurs 13 milliards d'euros de taxes à Apple. Tim Cook, le PDG d'Apple, avait d'ailleurs accusé la Commission Européenne de vouloir " bouleverser le système fiscal international ". L'amendement validé par les trois députés socialistes est une des nombreuses tentatives pour contrer les tactiques déloyales des géants du numériques pour échapper à l'impôt. En effet, les stratégies d'optimisation fiscale de ces multinationales sont multiples. Il y a par exemple la stratégie du " double irlandais " qui consiste à transférer les revenus d'une entreprise d'un pays à impôts élevés dans un pays à faible imposition. Ou encore la stratégie du " sandwich hollandais ", un autre système d'évasion fiscale se basant sur les paradis fiscaux que sont les Antilles néerlandaises... Il semblerait que l'évasion fiscale ait encore de beaux jours devant elle.