[Portrait] Valérie Dagand, agent de liaison
Publié par Marie-Juliette Levin le - mis à jour à
Valérie Dagand, dg adjointe de la DGNum et CDO au ministère des Armées, aime guider la transformation numérique d'univers complexes et embarque ses troupes sur le numérique. Son parcours, témoigne de sa capacité d'adaptation et de son sens de l'organisation. ( Entretien réalisé avant le confinement)
Elle nous reçoit dans le bureau de son chef, le vice-amiral d'escadre Arnaud Coustillière, dg du numérique et des systèmes d'information et de communication du ministère des Armées, pour réaliser notre entretien. "Ce grade équivaut à celui de général. C'est le signe que la transformation numérique est placée au plus haut niveau du ministère pour pouvoir le transformer, selon le souhait de la ministre Florence Parly", précise la dg adjointe, en poste depuis deux ans dans ce bâtiment flambant neuf du XVe arrondissement de Paris.
Chef d'orchestre
Pour cette pionnière du Web, digital addict depuis plus de 20 ans, experte émérite de la transformation digitale des entreprises, la mission visant à accompagner cette administration dans l'écosystème numérique est apparue comme "dingue et passionnante". "Je ne connaissais rien au monde militaire et j'ignorais les enjeux au sein de ce ministère. Mais j'ai découvert un monde très ouvert, même s'il est très hiérarchique. J'apprécie cette vision holistique de l'humain et je n'ai pas rencontré de résistance au changement comme dans le privé", explique Valérie Dagand.
"Je suis une femme de grands groupes. J'aime rendre simple ce qui est complexe."
La mission est immense, mais elle séduit cette jeune femme qui aime bousculer les organisations. Pas moins de 22000 personnes travaillent dans le numérique (digital et IT) au sein du ministère des Armées (sur 270000 agents). Un certain sens de la cohésion s'impose. Valérie Dagand s'avère un excellent chef de bataillon. Au-delà de son sens de la pédagogie, elle cultive l'art de la maïeutique. "Je suis une femme de grands groupes. J'aime rendre simple ce qui est complexe et faire accoucher les stratégies", expose-t-elle avec un sens inné de la pédagogie. Depuis deux ans, Valérie Dagand est sur ses terres. Elle orchestre la transformation numérique du ministère en rénovant les systèmes d'information et en accompagnant chaque métier (plus de 200) sur son volet digital.
Pour piloter cette transition, Valérie Dagand a mis en place un "commando numérique" composé de coachs agiles dédiés aux différents métiers. Une structure transversale (en mode incubateur), la DGNum, composée de 60 personnes, crée "les conditions de la cohérence" du projet autour de trois objectifs: garantir la supériorité opérationnelle, faciliter le quotidien des agents et des soldats sur le terrain et développer l'attractivité du ministère pour attirer de nouveaux talents. En complément, Valérie Dagand anime une communauté de 30 CDO dans tous les métiers. "J'applique des méthodes managériales et organisationnelles qui fonctionnent bien partout, même si je dois les adapter en fonction de l'univers que j'intègre. Ce qui me plaît, c'est de comprendre une culture d'entreprise, à l'instar d'un voyage anthropologique", confie-t-elle.
Profil de défricheuse
La diversité de son parcours professionnel témoigne de son application à la tâche. Très éclectique, sa carrière se construit d'abord dans le privé. Son goût pour l'aventure et les challenges la pousse vers l'e-commerce, très novateur en 1995, avec le lancement du premier site marchand pour Monoprix. Bornes interactives, géolocalisation, couponing, CRM, Valérie Dagand déploie la palette d'outils marketing pour le groupe Galeries Lafayette. Elle lancera la carte Cofinoga avec les premières analyses de tickets de caisse. Valérie Dagand travaille en agence durant quatre ans au sein du groupe Havas, où elle endosse le costume de directeur conseil pour des marques de luxe (Dior, Givenchy, Le Bon Marché, etc.) et les aide à déployer des sites internet et à mener des campagnes digitales. En 2000, elle devient directrice e-commerce et marketing digital du site Printemps.com (filiale du groupe PPR) pendant quatre ans avant d'opérer la transformation numérique d'ADP, huit mois avant sa privatisation.
Durant trois ans, elle intègre une dimension multicanale pour adresser le client et quitter l'écosystème purement B to C de l'aéroport. Elle découvre ensuite le monde de l'audiovisuel, aux côtés de Philippe Gildas, créateur de la chaîne Vivolta pour les seniors. Sa maîtrise de la data lui permettra de booster l'audience auprès d'une cible affinitaire. En 2011, l'entrepreneuriat la tente: elle lance une société de conseil en conduite du changement et s'invite dans les codir et comex des plus grands groupes pour distiller ses conseils sur la conduite du changement. En 2016, Vinci Autoroute, durant deux ans, lui confiera les clés de sa stratégie digitale.
Influenceuse en réseau
Mais Valérie Dagand est aussi -voire avant tout- une femme de réseau, malgré un abord timide et réservé. Elle se nourrit d'échanges avec ses pairs et surveille son baromètre de popularité sur LinkedIn. "Je rassemble une communauté de 67000 membres. Cette audience me permet de faire de la pédagogie", annonce Valérie Dagand, faussement détachée. Aussi, en femme d'influence dont les posts comptent, elle apparaît dans le classement LinkedIn Top Voices 2018 comme faisant partie des 25 contributeurs à lire absolument en France. Depuis deux ans, Valérie Dagand multiplie les partenariats au sein du ministère. "J'ai créé le "Cercle Défense Connect", qui permet de réunir 15 grands dirigeants de grands groupes extérieurs tels que la SNCF, La Poste, EDF, etc. On lance beaucoup de meet-up sur des thématiques pour faire entrer le monde extérieur dans le ministère", explique-t-elle.
Combattante numérique
Son autre combat est celui de la représentation des femmes dans l'écosystème du Net. Elle copréside depuis plus de dix ans, "Cyberelles", un réseau de networking visant à développer l'empowerment des femmes dans le digital. Au ministère, à peine arrivée, elle a créé un réseau baptisé "Combattantes@Numérique", regroupant 200 femmes pour développer l'attractivité du numérique pour les femmes en interne. Elle a mis en lumière des parcours exceptionnels de femmes sous forme de TEDX avec des témoignages à fort impact. L'objectif est de féminiser la filière digitale, totalement délaissée par les étudiantes. "On essaie de casser ces barrières pour attirer des jeunes femmes. Cela devient un fléau national. Ce réseau contribuera à l'anticipation des besoins des métiers du numérique et de la société de demain", assure Valérie Dagand. Par atavisme, une de ses deux filles, étudiante en bachelor Luxe et e-business, aurait à son tour envie d'entreprendre. Son idée? Révolutionner les ventes privées dans l'univers du luxe. La future start-upeuse, avide de conseils, peut compter sur un coach à domicile...
1995: Débute sa carrière comme chef de projet internet chez Monoprix.
1998 : Intègre Havas Digital comme directrice conseil sur le secteur du luxe.
2001 : Rejoint le groupe PPR en tant que directrice marketing et e-commerce du Printemps.com.
2004 : Devient directrice digital et communication, Aéroports de Paris.
2012 : Crée la société Data Marketing Institut.
2016 : Intègre Vinci Autoroutes comme directrice digital et innovation.
Deux ans plus tard, elle est nommée directrice générale adjointe de la DGNum du ministère des Armées / CDO ministériel.