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Marc Lolivier: "Attention à l'empilement de mesures visant les marketplaces"

Publié par Stéphanie Marius le - mis à jour à

Selon le projet de Loi de finances rectificative, les marketplaces devront communiquer à l'administration fiscale une série de données concernant leurs vendeurs "présumés redevables à l'impôt". La Fevad sollicité le report de cette mesure. Explications de Marc Lolivier, délégué général.


L'article 19ter (devenu article 22) du projet de loi de finances rectificative ne sera finalement mis en application qu'à partir de 2020, pour les revenus de 2019. Quelles sont les données exactes que devront fournir les plateformes à l'administration fiscale et quels problèmes cela pose-t-il?

Ces informations touchent à la fois à l'identité du vendeur et aux revenus (montant ou nature). L'article concerne toutes les plateformes de mises en relation, y compris les marketplaces. L'une des problématiques est d'ailleurs cette volonté de réguler les plateformes de manière universelle alors que les activités peuvent être de nature très différente. Il existe aussi bien des moteurs de recherche que des comparateurs de prix, des places de marché et du collaboratif.

Cette mesure, prise suite aux plaintes des lobbies du tourisme, a été pensée pour ce secteur. D'ailleurs, le rapporteur a confirmé les difficultés d'application dans le dernier rapport de la commission suite à la lecture du projet au Sénat. Ainsi, les plateformes seront tenues de communiquer la liste des informations définies dans le texte à l'administration fiscale pour les utilisateurs présumés redevables de l'impôt. Or, comment une plateforme (notamment spécialisée dans la vente C to C) peut-elle savoir si ses vendeurs sont redevables ? Par ailleurs, le paiement ne se fait pas nécessairement par son intermédiaire. Ainsi, elles ne peuvent pas vérifier que l'achat a bien eu lieu.

  • Quelle est la position de la Fevad à ce sujet?
  • La Fevad représente aussi bien les plateformes que les sites qui les utilisent ou ceux qui n'en possèdent pas. Elle n'est absolument pas opposée à une régulation du secteur mais demande une étude d'impact et une concertation concernant les problèmes de faisabilité. La loi, en l'état, est très imprécise, il ne faut pas y ajouter de précipitation.

  • Pouvez-vous revenir sur le déploiement des mesures précédentes (2014 et 2015) destinées à assurer une plus grande transparence dans le fonctionnement des marketplaces et plateformes de mise en relation?
  • En 2014 était déjà intervenue l'extension du droit de communication, qui permet à l'administration fiscale d'élargir les demandes auprès des plateformes. L'administration fiscale a donc aujourd'hui pleins pouvoirs pour enquêter auprès des plateformes.

    En 2015, à l'occasion de la Loi de finances, une nouvelle mesure a été prise concernant l'information des vendeurs sur leurs droits et obligations. Elle n'est pas encore entrée en application. Enfin, un récapitulatif doit être envoyé tous les ans aux utilisateurs pour qu'ils puissent se mettre en conformité sur le plan fiscal. Le décret relatif à cette loi doit entrer en vigueur au mois de novembre prochain. Cet empilement de mesures n'est pas adapté à une activité en fort développement, qui regroupe de nombreux acteurs.

    Par ailleurs, sur le volet de la transparence, les plateformes sont également régulées dans le cadre de la Loi pour une République numérique, dont les décrets sont en cours de rédaction. Ainsi, la loi Macron a précédé de six mois la loi Lemaire, qui est venue réguler sur le même périmètre, avant même que les décrets de la loi Macron n'aient été adoptés.

  • Dans quel contexte s'inscrit cette mesure?
  • Le gouvernement n'y était pas favorable, il s'agit d'une décision des parlementaires. Il convient de réfléchir sur cette régulation de la part des pouvoirs publics français alors qu'il s'agit d'une activité européenne et même mondiale. En cette période préélectorale, un enjeu est peu évoqué: comment mettre en place les conditions d'un marché de l'e-commerce européen? Tant que l'on n'offrira pas aux entreprises un marché primaire européen, qui leur permettra de dégager les ressources nécessaires pour rivaliser avec les acteurs américains et chinois, les aides françaises accordées aux entreprises demeureront inutiles. Le marché français est constitué de 36 millions de consommateurs, contre 500 millions pour le marché européen. Or, la vente en ligne est une affaire de volume. Ainsi, il convient de se méfier des réglementations qui fragmentent le marché et empêchent l'émergence de champions européens.

    L'article 19 ter (devenu article 22) ne peut pas s'appliquer sur des utilisateurs basés à l'étranger. Il pourrait donc pousser les utilisateurs de plateformes françaises à les quitter pour leurs homologues européennes. Par ailleurs, une marketplace est dégagée des aspects logistiques, rien n'empêcherait donc un acteur qui ne veut pas jouer le jeu de s'installer à l'étranger.

    Les marketplaces font d'ailleurs l'objet d'une réflexion au niveau européen. La commission de travail qui y est consacrée s'écarte de la vision française, puisque les premières orientations du Digital single market invitent à la prudence en matière de réglementation générale et s'orientent davantage vers une approche sectorielle.



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