« Par son choix de livraison le consommateur peut jouer concrètement sur les émissions générées »
Publié par Martine Fuxa le | Mis à jour le
Logistique plus écologique, reconnaissance des métiers de la sypply chain, agilité du secteur en période de crise sanitaire...Stéphane Tomczak, fondateur de DELIVER donne sa vision des évolutions du secteur.
En quoi la logistique joue un rôle clé dans l'économie dans son ensemble ?
Ce qui a permis à nos économies de rester debout cette dernière année pendant la crise sanitaire, cela a été la bonne santé de notre logistique. La logistique représente tout ce que l'on remarque uniquement quand cela ne va pas ! Elle joue finalement beaucoup sur la qualité de notre mode de vie au quotidien. Imaginons que pendant les confinements, les magasins n'aient pas pu être achalandés...Imaginons que l'e-comme n'ait pas pu livrer ses clients...Les problèmes auraient été sérieux. Or les chaines logistiques ont bien géré le choc, elles ont souvent été présentées comme la deuxième ligne après le corps médical.
En France, le secteur représente 10% du PIB national. Quelle est votre vision des grands enjeux du secteur ?
Les tendances s'accélèrent. La première tendance est liée au développement durable. Il y a peu de temps c'était une notion lointaine et le consommateur ne s'en préoccupait que peu. Désormais ces problématiques rentrent dans les moeurs. La logistique y contribue avec des livraisons plus planifiées. Par son choix de livraison le consommateur peut jouer concrètement sur les émissions générées. L'autre tendance concerne l'expérience client et la manière dont la logistique y participe. On comprend qu'avoir de la prédictibilité, des choix dans les délais et modes de livraisons, des outils de suivis, contribue à créer une bonne expérience client. Les solutions ont énormément progressé en ce sens ces trois dernières années.
La supply chain est une fonction technique, longtemps moins valorisée que d'autre. L'échelle de valeur évolue-t-elle ? Les directeurs de la supply chain font il ces dernières années leur entrée comme membre du comex ?
Le manque de considération est réel et je pense que cette étape de reconnaissance n'a malheureusement pas encore été franchie. Pour autant certaines personnalités ouvrent la voie et font école. Je pense à Tim Cook, le patron d'Apple qui était auparavant le directeur des opérations de la marque. On l'imagine méthodique, rigoureux, dans l'analyse...et c'est exactement ce que l'on demande à une direction de la supply chain.
Quelles sont les conditions requises -côté retailer- pour déployer une supply chain efficiente ?
D'abord il est important de ne pas se restreindre au rôle dans lequel on enferme les logisticiens, c'est-à-dire des chasseurs de coûts. Il faut résister à cette injonction de faire toujours plus avec moins. Et cela en étant force de proposition. Autre conseil, celui de planifier au maximum. Il y a tellement de paramètres qui rentrent en compte qu'il est important de planifier, tout en travaillant son agilité en cas d'imprévus.
Quid des enjeux écologiques du secteur, quels sont-ils ?
Il y a un vrai mouvement de fond qui vient plutôt des consommateurs. On ne compte plus les remarques exaspérées sur les réseaux sociaux de consommateurs déçus lorsqu'ils reçoivent par exemple des petits produits dans de grands emballages. Cette frustration rejaillit vers l'e-commerçant qui se doit d'y répondre. Beaucoup d'actions sont possibles comme travailler ses emballages, s'assurer que ces derniers soient facilement recyclables en ne mélangeant pas plastique et carton. Le fait de proposer plusieurs choix dans les modes de livraisons, en magasins massifié versus livrés dans l'heure, aux deux extrêmes, est un choix écologique donné au consommateur...Les professionnels de l'emballage proposent aussi des innovations intéressantes comme des cartons en circuit recyclés par exemple...
Quelles sont les innovations attendues dans le secteur de la logistique ?
Elles tournent autour de l'expérience client, et consistent à invisibiliser encore plus la livraison. Les autres grands mouvements qui animent fortement le secteur, en ce moment, concernent les logiques de dark stores, de quick commerce, de micro-full filment... c'est-à-dire des livraisons ultra rapides qui font se rapprocher l'e-commerce du commerce stationnaire. Les MFC (micro-fullfilment centers) sont des mini entrepôts très robotisés ou sont stockés des produits du quotidien. Les darks stores (entrepôts fantômes, ndlr) proposent quant à eux un catalogue de références qui ont les plus fortes rotations et qui sont livrés très vite. Pour arriver à ces niveaux de rapidité, il faut avoir beaucoup de points de contacts, d'entrepôts disséminés à 15 minutes autours des consommateurs...Des offres se mettent en place sur ces thématiques avec de nouveaux acteurs, comme Dija, Cajoo, ou encore le leader européen Gorillas qui est allemand. En France Deliveroo propose également ce service en partenariat avec Casino et Carrefour. Autre innovation concernant les entrepôts. Ils sont plus allégés et mécanisés avec des robots, des " goods to man " qui permettent de limiter les déplacements des préparateurs de commande et de jouer sur les taux de rotation. Les e-commerçants sont en train de s'équiper massivement en de sens. La logistique se porte bien comme l'e-commerce. L'année 2020 a été bonne avec 12% d'augmentation des volumes sur le marché des colis, qui représente 7 milliards d'euros et 1,36 milliards de paquets distribués.
Grand messe du secteur supply chain, Deliver revient cette année avec des innovations, pouvez-vous nous en parler ?
Deliver revient pour sa sixième édition avec deux temps forts. L'événement des 6 et 7 octobre 2021 en présentiel et en format hybride, qui se déroulera à Amsterdam et Connect, une nouvelle offre digitale qui sera lancée les 8 et 9 juin 2021 et qui propose un véritable carrefour d'échange, une plateforme de mise en relation pour les acteurs. Sur notre plateforme Connect, les retailers peuvent échanger dans des " rooms " sous forme de partage d'expérience sur des sujets donnés. Par ailleurs nous organisons tout au long de l'année des rendez-vous one to one entre retailers et partenaires mais également entre retailers uniquement. En juin, 40 pays seront représentés avec des participants de Chine, des USA, etc.
Quant à l'événement Deliver d'Amsterdam le 6 et 7 octobre, il sera encore plus expérientiel. Nous allons insister sur le côté " show ", sur des démonstrations, sur de la théâtralisation à l'américaine. Concernant le contenu, nous avons fait le choix de ne pas avoir une thématique unique et s'il devait y en avoir une ce serait celle de l'inclusivité pour mettre en avant des prises de paroles de femmes dans le secteur de la logistique.