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[Tribune]- La fin des cookies : quel avenir pour le marketing digital ?

Publié par Par Thierry Techy, Chief Strategy Officer, Selligent le - mis à jour à

Le cookie comme outil de tracking publicitaire est-il en train de connaître ses dernières heures, c'est la question que se pose Thierry Techy, de Selligent, dans une tribune publiée en exclusivité pour E-commerce Magazine.

Alors que le grand public commence tout juste à percevoir l'importance du traçage dont il fait l'objet sur internet, et que les législateurs s'intéressent à cette question - la CNIL a récemment fait plusieurs recommandations à ce sujet - le cookie comme outil de tracking publicitaire est-il en train de connaître ses dernières heures ?

Il est légitime de se poser la question puisque les cookies utilisés pour suivre le comportement des internautes via les navigateurs internet se sont révélés beaucoup moins efficaces sur les appareils mobiles, tablettes ou les smartphones, où une partie de la navigation se fait via des applications et échappe donc au ciblage.

Les géants du web entrent dans la bataille du " tracking "

Beaucoup d'acteurs misent sur la création d'un identifiant propriétaire unique attribué à chaque utilisateur-internaute qui le suivrait dans son parcours digital quotidien peu importe les appareils utilisés. C'est le cas des géants du web, Google et Microsoft en tête, qui se lancent dans la bataille alors qu'ils avaient jusque-là laissé le champ libre à tout un écosystème de spécialistes du tracking, et de la publicité digitale comme Criteo. Mais la collecte des données étant devenue le nouvel Eldorado, difficile pour ses acteurs omniprésents sur le web de ne pas essayer de récupérer cet avantage. Ainsi, Microsoft a décidé de donner la possibilité aux marketeurs de " tracker" les utilisateurs de Windows 8 et Windows 8.1 sur tablettes et PC, en assignantà chaque utilisateur un identifiant unique. Google suit la même voie en imaginant un identifiant anonyme pour chaque individu afin de collecter non seulement les données issues de ses services web (Gmail, Chrome) mais également celles issues de la navigation sur son OS mobile Android. Certains acteurs de la publicité digitale s'inquiètent d'une trop grande concentration des données stratégiques pour le marketing digital par quelques entreprises déjà très puissantes, qui pourraient profiter de leur position dominante pour rendre très onéreux l'accès à ses audiences types.

Le consommateur, victime consentante ?

Le grand public commençant à être sensibilisé à la question du tracking via les cookies, les sites web sont entrés dans une logique d' " opt-in ", de permission, bien que l'impact fut minime jusqu'à aujourd'hui. Les avis divergent : certains acteurs réclament la possibilité pour un internaute de déclarer au préalable par quelle marque il peut être contacté ou non, démarche qui n'est pas sans rappeler certains autocollants que l'on colle sur les boites aux lettre pour refuser la publicité. D'autres encore souhaitent la mise en place d'un identifiant unique public utilisé consciemment par les internautes en fonction des sites internet qu'ils visitent. Mais cette technique semble quelque peu utopique tant cela nécessite une approche globale, voire mondialisée, du monde digital, dont les différents marchés restent très spécifiques.

Renversons la perspective : l'objectif du " retargeting " consiste à promouvoir des publicités ou des offres commerciales en adéquation avec les besoins du consommateur. Dans un monde où il est difficile d'échapper à la publicité, il n'est pas certain que les consommateurs soient réticents à la réception de publicités qui correspondent enfin à leurs centres d'intérêts ou à leurs recherches récentes. Il faut donc relativiser, les données sont certes collectées, mais pour être agrégées dans le but de créer des segments d'audience composés de profils types. D'ailleurs, le suivi des comportements des consommateurs n'existe-t-il pas également dans le commerce réel ? Les enseignes gardent l'historique d'achat de leurs consommateurs et connaissent leurs habitudes et leurs préférences grâce aux cartes de fidélité ou aux abonnements à des programmes consommateurs. Autant de données collectées, analysées et utilisées pour les inciter à acheter. De même, quand nous entrons dans une boutique, un vendeur nous indique les promotions sur certains articles, grâce au retargeting, un site de e-commerce peut faire de même et proposer des offres ciblées et adaptées. L'avantage du site de e-commerce est qu'il peut reconnaître le client grâce à ses précédentes visites et donc offrir une promotion qui correspondra réellement à ses besoins.

La donnée doit avoir une durée de vie limitée, et le consommateur doit être informé

Le terme " tracking " est sans nul doute dérangeant, surtout lorsque le consommateur pense que toutes ses activités sur internet sont observées, mesurées, collectées dans le but de l'exposer à de la publicité. Dès lors, un certain sentiment paranoïaque peut survenir à l'idée des dérives possibles liées à la revente de données collectées et l'utilisation des données venant d'un tiers. C'est pourquoi les acteurs du marketing digital doivent s'engager à ne conserver les données que sur une courte durée d'autant qu'avec le temps elles perdent de la valeur. C'est bien l'information extraite de ces données, puis modélisées sous forme de profil d'acheteur, qui a une réelle valeur, bien plus utile que les données brutes sociodémographiques.

Mais surtout, il faut expliquer aux consommateurs en toute transparence et en temps réel à quoi servent les données collectées, plutôt que de continuer à pratiquer le retargeting publicitaire à leur l'insu. Les grands gagnants du ciblage seront les enseignes qui réussiront à expliquer à leurs clients, au moment opportun, comment leurs données seront utilisées et quels avantages ceux-ci pourront en retirer, pourquoi ils reçoivent telle offre ou publicité à ce moment-là. C'est lorsque le consommateur est en confiance avec la marque que le tracking offre une relation gagnant-gagnant avec le client.

En définitive, le cookie parait dépassé, il s'agit désormais de pouvoir suivre l'activité des internautes dans les applications mobiles, y compris dans les usages applicatifs, qu'ils soient connectés ou non. Ce n'est donc pas l'aspect technique qui doit prévaloir : aujourd'hui, le cookie est encore très utilisé, dans le passé, c'était la carte de fidélité, demain d'autres technologies verront le jour. L'enjeu principal réside dans le respect des règles de permission afin de rassurer les consommateurs et de respecter leurs attentes.

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