Transition digitale : Enjeux et opportunités du E-commerce B to B
Publié par Véronique Meot le | Mis à jour le
Conséquence directe de la mutation digitale des entreprises, l'e-commerce B to B se développe. Le point sur un secteur en essor, ses acteurs, son écosystème et ses questionnements.
L'e-commerce B to B représenterait au global quelque 500 milliards d'euros selon les dernières estimations de la Fevad (chiffres clés 2016). Avec une cible de 4 millions d'entreprises (hors secteur public) et de professionnels (artisans, professions libérales, etc.), dont 95 % sont des TPE de moins de 10 salariés, les perspectives de développement du marché sont réelles. D'ailleurs, le potentiel de croissance serait de + 32 % d'ici 2020 (contre 40 % entre 2010 et 2015) d'après l'étude sur la Transition numérique & ecommerce B to B (Fevad, DGE, octobre 2015), menée par Next Content en collaboration avec le Credoc.
Les grands secteurs
" La croissance du B to B est portée par quatre grands secteurs : les voyages d'affaire, largement en tête, les fournitures et l'équipement de bureau, marché traditionnel de la vente à distance, les fournitures industrielles et le matériel informatique et les services " affirme Marc Lolivier, délégué général de la Fevad. Figurent parmi les acteurs clés SNCF, Air France, Groupe LDLC, Raja, etc. " Depuis deux ans, le marché a basculé et la majorité des commandes s'opère full line, chez nous 80 % des transactions sont dématérialisées " témoigne Jordy Staelen, directeur général de FCM Travel Solutions France (ex-3 Mundi). Les 20 % restants, couvrant selon le dirigeant, la gestion des imprévus et les cas complexes. Créé dès 2001, le site ldlc-pro.com, dédié aux professionnels, réalise à lui seul un gros tiers (109 M€) du CA du groupe LDLC, distributeur de composants informatiques (320 M€ au 31 mars 2016) et enregistre une progression annuelle de + 20 %, alors que l'activité globale du groupe enregistre une croissance de + 12 %. " Le site Pro fait partie des segments porteurs, après les TPE gérées par des dirigeants appétents qui ont été particulièrement véloces, les ETI et les grandes entreprises ont révisé leurs process d'achat boostant l'adoption de ce canal de commandes, aujourd'hui nous assistons à une troisième phase, avec l'arrivée des TPE PME qui n'étaient pas forcément au fait du digital " commente Olivier de La Clergerie, directeur général de LDLC.
" L'e-commerce B to B conserve un fort potentiel de croissance à venir "
Une bonne nouvelle. Mais, ombre au tableau, " la proportion des entreprises qui achètent sur Internet augmente plus rapidement que celles qui vendent, ce décrochage entre l'offre et la demande comporte des risques et notamment celui de voir les acheteurs français se tourner vers des sites étrangers " s'inquiète Marc Lolivier. Pourquoi un tel décalage ? Le développement des offres aurait été un temps retardé par l'absence de demande. La lenteur de la transition digitale des entreprises faisant perdurer le recours aux canaux traditionnels. Abandonner le fax pour le digital ne se résume pas en effet à adopter un nouvel outil, mais suppose aussi un changement organisationnel des procédures de validation en interne (ouverture de droit d'accès, etc). Xerfi notait, en 2015, une inertie particulièrement prégnante dans les modes de commande des entreprises de grande taille, qui restent attachées au contact commercial dans le cadre de cycle d'achat long, complexe et au montant élevé. L'enquête de la Fevad, précédemment citée, révèle que les PME et les grands comptes, minoritaires en nombre, pèsent pour plus de 80 % de la valeur des transactions interentreprises. Ce sont elles qui doivent faire face à un plus grand nombre de freins pour effectuer leur transition digitale...
" Il y a en France un décrochage entre la demande et l'offre, qui peine à suivre, dans le B to B sur Internet "
Des services à valeur ajoutée
La situation évolue et les entreprises, poursuivant leur transition numérique, acceptent d'élargir le champ des possibles. " Les freins disparaissent, d'autant qu'avec le mobile et les applis, les usages se simplifient, dynamisant encore le marché " ajoute Olivier de La Clergerie. Tout l'enjeu pour les fournisseurs étant d'apporter davantage de services à valeur ajoutée à leurs clients. Et ce, quel que soit le secteur d'activité. Franciaflex, fabricant français de menuiserie, stores et volets, a lancé, fin 2014, une boutique de vente en ligne de pièces détachées... pour dépanner les professionnels. Un an plus tard, "10 % du volume des commandes passe par ce canal et nous enregistrons au 1er semestre 2016, une croissance du nombre de commandes de plus 217 % par rapport à la même période en 2015 " se félicite Vanessa Wolfson, responsable communication. Dans le voyage, " l'exploitation du big data doit nous permettre d'accompagner nos clients de manière ultra-personnalisée tout au long de leur déplacement, et non plus seulement au moment de la commande " déclare Jordy Staelen. FCM annonce d'ailleurs le lancement de "chatbot", agent conversationnel pour interagir en temps réel et pousser des recommandations. Même souci chez Raja : "Demain, le client devra pouvoir scanner le produit qu'il doit expédier afin que Raja lui propose l'emballage adéquat" avance Nathalie Chapusot, directrice générale déléguée marketing, vente et e-commerce de Raja. Pour elle, la stratégie marketing se décline désormais en 5 C : Cohérence des médias (avec les mêmes types de communication, des niveaux de prix équivalents, etc.), convergence des canaux (dans son espace client sécurisé sur le site Web, l'acheteur retrouve l'historique de ses commandes, ses conditions tarifaires, etc.), complémentarité des canaux de vente (le client, habitué au catalogue papier le consulte et utilise le Web de façon complémentaire, mais la fidélisation passant par le contact commercial, il doit retrouver sur chaque page de la plateforme Web le numéro de téléphone du centre de contact de son pays), coordination et donc customisation.
Plateformes & ERP
Aujourd'hui, le marché électronique B to B s'opère encore via deux types de support : depuis un site Web ou une solution dédiée (e-procurement, EDI). Le premier, ouvert, permet de fidéliser la clientèle mais aussi de capter de nouveaux prospects et d'envisager de nouvelles opportunités d'affaires. Le second, fermé, est réservé aux entreprises déjà titulaires d'un compte client. Les sites e-commerce B to B ressemblent aux plateformes B to C, à ceci près que leur back-office diffère. Au-delà du canal de vente, le digital bouleverse les fondamentaux de l'entreprise. " Confrontés à l'arrivée de nouveaux entrants sur leur marché - comme Amazon, Alibaba, Uber - nos clients, pour la plupart actuellement en phase de préparation, doivent s'appuyer sur les spécificités culturelles de leur entreprise pour aller vers l'e-commerce car il ne s'agit pas de déployer un simple outil technique " martèle Amine Tlili, directeur commercial et marketing de Decade, intégrateur de plateformes, spécialisé dans l'accompagnement des grandes et moyennes entreprises. "Toute entreprise de distribution a vocation à devenir une place de marché, pour y faire rayonner son propre modèle commercial en rassemblant l'ensemble de son écosystème " ajoute-t-il. Le dispositif e-commerce s'interfaçant
" L'e-commerce B to B peut tirer bénéfice d'outils interdits au B to C comme l'IP tracking "
bien évidemment avec l'ERP qui continue à porter les informations sur les stocks et, souvent les prix par client. Côté Small business, Oxatis, éditeur de solution e-commerce dédiée aux TPE et PME vient de lancer son Pack B2B Advanced, doté de connecteurs standards et paramétrables qui interfacent automatiquement les ERP de l'entreprise (Sage, Ciel, EBP et Wavesoft). " Dans le B to B, le site e-commerce représente une extension de l'ERP existant, il doit donc y être relié " confirme Marc Schillaci, Pdg d'Oxatis. L'éditeur répond à d'autres problématiques du secteur : la gestion de la multi tarification - il permet d'activer jusqu'à dix niveaux de tarification et des niveaux de remise - les modes de paiements adaptés aux pratiques commerciales, l'affichage du catalogue suivant le profil du compte.
Des pistes de progrès
Ce n'est pas un hasard si l'expérience client est considérée comme une priorité pour 88 % des entreprises B to B interrogées dans le cadre l'enquête "Expérience client et B to B : Où en sommes-nous en 2016" menée par Kurt Salmon pour l'AFRC. Avec trois enjeux : optimiser le parcours client (45 %), évoluer vers un modèle d'entreprise orientée client (26 %) et accroître la fidélisation (23%). " Le secteur est moins engagé que le B to C en matière de parcours client, beaucoup reste à faire pour le comprendre et l'optimiser et assurer la cohérence des différents canaux " déclare Alain Jarlot, Directeur Kurt Salmon. Y compris au niveau du SAV. " Un écart demeure entre la réflexion stratégique et le niveau d'exécution constaté " estime Alain Jarlot. La technologie existe et progresse, mais les processus adaptés pour en tirer partie ne sont pas encore mis en place. Ce qui explique, selon Alain Jarlot, la déception des utilisateurs face aux outils de la relation client : Entre 38 et 58 % des répondants en sont insatisfaits. Or pointe l'expert, " ce n'est pas l'outil qui est en cause, mais bien son paramétrage et son adaptation ".
Enfin, au niveau logistique, la difficulté provient de la capacité à prévoir les volumes d'activité - lorsque les commandes peuvent être saisies et validées pendant le week-end - et à dimensionner la bonne solution, tout en garantissant l'une des promesses phares du e-commerce, le raccourcissement des délais. Bruneau, l'enseigne spécialisée dans la vente à distance de fournitures et équipements de bureau gère son entrepôt en interne et dispose de sa propre flotte de véhicules qui prend en charge la moitié des livraisons, l'autre étant externalisée. L'enjeu est de pouvoir livrer à J + 1. Bruneau utilise les services de Chronopost pour les colis de moins de 30 kg, et au-delà, des messageries, pourtant traditionnellement organisées pour livrer à J +2. " Nous avons du mettre au point une organisation spécifique et faire appel à plusieurs prestataires (DGS Transports, STG, Benito, etc.) " explique Laurent Gaillot, directeur logistique. Et, constatant que les acheteurs du B to B ont tendance à adopter les comportements du B to C, l'enseigne multiplie les services supplémentaires (livraison à l'étage, dépôt en relais Pick up, push d'information) histoire de répondre à leurs exigences. Une tendance qui devrait s'accentuer dans l'ensemble du secteur" business to business. "
Pour aller plus loin :