[Interview] Geoffroy Martin, CEO du site art.com : "Venez à Palo Alto et voyez grand! "
Publié par Propos recueillis par M.-J. Levin le - mis à jour à
Retour d'expérience du patron d'un des leaders mondiaux de la décoration murale. Fondé en 1998, le site art.com est basé aux États-Unis. Geoffroy Martin livre quelques pistes pour réussir sa diversification à l'international.
Vu des États-Unis, comment qualifieriez-vous le marché français de l'e-commerce ?
Les Américains regardent le marché français par le prisme européen, au même titre que l'Angleterre et l'Allemagne, les deux autres pays intéressants à pénétrer dans le cadre d'une stratégie européenne. La France est un marché très limité à l'échelle des États-Unis mais il demeure intéressant, notamment en ce qui concerne l'e-commerce. D'abord, en termes de paiement. La France est le pays enregistrant le plus fort taux de pénétration en termes de paiement avec des cartes de crédit et son savoir-faire en termes d'organisation de la logistique est reconnu. En outre, le secteur de l'e-commerce est en croissance et les acteurs sont réputés innovants.
Les sites français sont ils assez présents à l'étranger, selon vous ?
Je peux vous répondre concernant le marché américain, où j'ai créé mon entreprise en 1996. Là-bas, ils ne sont pas assez présents. Cela est dû à la stratégie d'internationalisation des entreprises françaises, qui vont d'abord se déployer en Europe. Mais très peu ont les reins assez solides pour s'implanter aux États-Unis, alors que de nombreux concepts, inventés en France, auraient pu être importés plus rapidement. Les entreprises françaises qui ont réussi à s'imposer outre-Atlantique ont levé des fonds en étant sur place, à l'instar de Criteo (et son concept de retargeting), un bel exemple de réussite. À l'inverse, de nombreuses sociétés importent, en Europe, des concepts déjà validés aux États-Unis. Le marché est colossal ici. L'e-commerce ne représente que 10% de l'économie du pays. C'est un marché en croissance de 14% par an environ et qui invente tous les ans de nouveaux modèles économiques.
Quelles sont les principales barrières à franchir pour s'imposer sur un marché étranger?
La langue, en premier, puis les méthodes de paiement, qui varient en fonction des pays, la logistique parfois mal organisée et la localisation de l'offre en fonction du marché.
Le site Art.com se développe à l'international, avec quels succès et complications ?
Notre stratégie à l'international est en place depuis 2004. C'est un vrai projet. Il faut traduire le site, s'adapter aux modes locaux de paiement, traduire les coûts en monnaie locale... Aujourd'hui, l'international représente 40% de notre chiffre d'affaires et très peu de sociétés américaines atteignent ce taux aujourd'hui dans leur business. Nous sommes implantés dans 30 pays et envoyons des colis dans 150 pays différents.
Les patrons français de l'e-commerce, à votre exemple, peuvent-ils s'exporter facilement ? De quelles qualités faut-il faire preuve ?
Un patron français qui a une bonne idée peut s'exporter très facilement, d'autant plus dans la Silicon Valley, où on trouve de plus en plus de Français. Ils sont réputés dans les hautes technologies en général et dans l'e-commerce en particulier. De belles réussites françaises sont nées ici. Pour y arriver, il faut de l'ouverture d'esprit, comprendre la culture locale et penser global. Quand je discute avec des entrepreneurs français, ils ont souvent de bonnes idées mais ne veulent pas en parler, de peur que l'on leur vole. Ici, c'est tout l'inverse. S'ils croient dans votre projet, des investisseurs vont vous aider à monter ce projet. L'information est plus ouverte aux États-Unis.
Si vous aviez un conseil à donner aux candidats à l'aventure internationale, quel serait-il ?
Il faut prendre des risques. Combiner expertise française et savoir-faire local. Être capable de faire des compromis et venir observer le marché sur place. Venez à Palo Alto et voyez grand !