Economie circulaire : les stratégies de Vestiaire Collective, Fnac Darty et Petit Bateau
Publié par Maëlle Chetal Gaillard le | Mis à jour le
À l'occasion d'une table ronde organisée lors du salon Paris Retail Week 2022 (du 20 au 22 septembre), trois dirigeants d'enseignes échangent sur le secteur de la seconde main. L'occasion d'aborder leurs stratégies et ambitions.
La dernière étude de la Fevad et KPMG révèle que le secteur de la seconde main a engendré 86 milliards d'euros en Europe dont 7 milliards en France en 2021. À l'occasion d'une table ronde, organisée lors Paris Retail Week jeudi 22 septembre et animée par Marc Lolivier, délégué général de la Fevad, Bernard Osta Chief Strategy officier chez Vestiaire Collective, Olivier Theulle Chief e-commerce et Digital Officer pour Fnac Darty et Guillaume Darrousez, CEO de Petit Bateau ont témoigné sur la stratégie mise en place dans leurs sociétés respectives concernant l'économie circulaire.
Le marché de la seconde main en France
Vestiaire Collective, fondé en 2009, est un pure player spécialisé dans les produits de luxe de seconde main. Avec un panier moyen de 350 euros, l'enseigne enregistre un volume d'affaire d'un milliard d'euros en 2021. L'Europe représente 60 % de son chiffre d'affaires, les États-Unis 30 % et l'Asie 10 %. "Vestiaire Collective est aujourd'hui la seule plateforme du marché de seconde main présente à l'échelle mondiale", indique Bernard Osta, Chief Strategy officier. Nous avons 20 % de notre marché consacré à la revente d'accessoires de mode et de luxe online". Depuis la prise de participation au capital du groupe Kering, Vestiaire Collective a renforcé l'authenticité des produits vendus, via l'intelligence artificielle et la reconnaissance d'images. "À la demande de l'acheteur, une authentification physique peut être réalisée dans l'un des cinq centres dédiés", précise-t-il.
De son côté, depuis les années 2010, Darty valorise les retours clients de ses commandes web pour les proposer sur son site e-commerce. En 2020, le groupe Fnac Darty a professionnalisé son service et lancé sa business unit spécialisée dans les articles d'occasion. Aujourd'hui, 1,5 million de commandes sont ainsi réalisées. "Le secteur de la seconde main est en forte croissance. À présent, ce segment prend une part importante de notre activité, la France représente à elle seule 80 % de ces échanges", explique Olivier Theulle, Chief e-commerce et Digital Officer pour Fnac Darty.
Pour le dirigeant de Petit Bateau, la seconde main a toujours fait partie de l'ADN de son enseigne. "Nous faisons de la seconde main depuis 130 ans grâce à nos produits de qualité, souligne Guillaume Darrousez. Chaque parent a déjà transmis à ses enfants, neveux et nièces, des produits Petit Bateau." Depuis 2017, la marque propose une application C2C. Et depuis 2021, l'enseigne récupère les vêtements d'occasion de ses clients en magasin en échange d'un bon d'achat valable sur des articles neufs ou de seconde main. Petit Bateau a créé des corners dédiés dans certains de ses points de vente. Cette initiative devrait se développer dans une douzaine de magasins d'ici fin 2022. L'an prochain, la marque spécialiste de l'enfant prévoit de lancer un onglet dédié à l'occasion sur son site. Et d'exporter ce modèle d'économie circulaire en Italie et au Japon où l'enseigne est présente. La marque proposera prochainement un panier unique pour l'achat de produits neuf et de seconde main. L'objectif est de réduire l'impact environnemental lors de la livraison en ayant une commande groupée. Petit Bateau espère réaliser 30 % de son chiffre d'affaires grâce aux articles d'occasion à horizon 2030.
Le secteur de la seconde main, un motif économique
"Le facteur économique demeure la première motivation d'achat et de revente pour deux raisons, pointe Bernard Osta de Vestiaire Collective. Si un consommateur prévoit d'acheter un sac à main neuf à 1 000 euros, nous le proposerons sur notre plateforme à 400 euros. L'économie reste importante". Le choix des articles a également son importance puisque 25 000 produits sont chaque jour mis en ligne sur le site.
En plus du critère financier, l'élément RSE prend une ampleur croissante dans la décision d'achat de nombre de consommateurs. "L'empreinte environnementale d'un achat de seconde main est 80 % inférieur à celle engendrée par un produit neuf", rappelle Bernard Osta de Vestiaire Collective. L'attrait écologique de la seconde main permet d'élargir la clientèle des enseignes. C'est le cas de Petit Bateau qui bénéficie d'acheteurs globalement plus jeunes et urbains, attentifs aux problématiques écologiques. "L'aspect écologique est le premier motif d'achat de notre clientèle", pointe le dirigeant.
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Une surconsommation dans la seconde main ?
"70 % des achats effectués sur Vestiaire Collective remplacent un achat de première main. L'achat de produit de seconde main n'intervient pas en plus mais se substitue", précise Bernard Osta de Vestiaire Collective. Pour le marché de l'habillement, le secteur est confronté à une baisse continuelle depuis plusieurs années. "La seconde main est en train de remplacer le neuf, les marques proposant des produits de qualité avec des vêtements durables qui peuvent connaître jusqu'à 5 vies", pointe Guillaume Darrousez, le Pdg de Petit Bateau. Globalement, l'objectif affiché des distributeurs est de valoriser la durabilité des produits, l'économie circulaire ne se limitant pas à la seconde main.
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Les évolutions à venir
La tendance de la location s'inscrit, elle aussi, dans le marché de la seconde main. L'usage remplace peu à peu la propriété. Cette logique d'usage oblige à repenser la qualité des produits et des habitudes d'achats. "Dans un mois, nous proposerons la location de bodys, annonce Guillaume Darrousez. Les nourrissons changeant de vêtements tous les deux mois. Nous voulons être le Spotify du vêtement pour bébé. Nous renforçons la durabilité de nos bodys et de nos t-shirts pour que ces produits connaissent une durée de vie encore plus longue (6 à 9 vies pour un vêtement)".
"Nous voulons être le Spotify du vêtement pour bébé, souligne Guillaume Darrousez, Pdg de Petit Bateau"
Autre objectif pour ces enseignes : améliorer l'expérience client. "Nous travaillons pour que l'acte d'achat d'un produit de seconde main se rapproche le plus possible de celui d'un produit neuf, voire qu'il le dépasse", explique Bernard Osta de Vestiaire Collective.
Un modèle complexe à mettre en place
Cette économie circulaire vise véritablement à aider les clients à prolonger la durée de vie de leurs produits. Chez Darty, le service Darty Max garantit la réparation de ses appareils, aussi longtemps que les pièces détachées sont disponibles. Le SAV Darty répare plus de 2 millions de produits chaque année, ce qui constitue "un impact majeur pour la planète : un produit durant plus longtemps, peut être revendu plusieurs fois", précise Olivier Theulle Chief e-commerce et Digital Officer pour Fnac Darty. Le groupe prévoit de référencer les produits de seconde de façon centralisée pour que les stocks de produits d'occasion soient connus et accessibles à l'ensemble des magasins.
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Si 60 % des entreprises adoptent une stratégie pour intégrer l'économie circulaire, comme le pointe la dernière étude de la Fevad et KPMG, la structuration du marché reste complexe. "Il existe un écosystème de réparation, de services de proximité et de logistique d'où l'investissement important à fournir", résume Olivier Theulle de Fnac Darty. La culture de l'entreprise a aussi son importance. "Imposer à une société des produits de seconde main alors qu'elle n'a jamais travaillé la durabilité de ces produits paraît incohérent, pointe Guillaume Darrousez de Petit Bateau. Cette stratégie impose un engagement sur la durée".