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Les impacts de la crise Covid sur les habitudes de consommation vus par Kantar

Publié par Dalila Bouaziz le - mis à jour à

Gaëlle Le Floch, experte Kantar, revient sur le bilan de la consommation 2021. L'année est en baisse de 2,2% en valeur, et -3,6% en volume, soit une croissance de 5,6% en valeur comparé à 2019, ce qui est donc très supérieur aux croissances moyennes d'avant crise.

La crise sanitaire a laissé des traces : en 2021, le premier sujet de préoccupation des consommateurs reste la santé (pour 88 % des Français), devant le pouvoir d'achat (pour 83 % des Français). Les consommateurs ont parfaitement intégré que leur alimentation reste leur meilleur allié pour rester en bonne santé. Les recettes du manger sain sont désormais bien connues, et les marchés de la transition alimentaire représentent 21 % du marché total PGC-FLS (Produits de grande consommation et Frais libre-service : alimentaire, liquides, hygiène beauté, entretien) . De nombreux marqueurs de cette transition sont toujours dynamiques et progressent en valeur sur l'année écoulée : les produits sans conservateurs (+17 %), les produits équitables (+9 %), les produits écologiques et naturels (+19 %) et les produits locaux (+2 %).
Autre percée notable, celle de la lutte contre le gaspillage : 85,3 % des consommateurs essaient d'acheter moins pour éviter le gaspillage, et sont de plus en plus nombreux à utiliser des applis anti-gaspi (23 %), à surveiller les dates de péremption (62 %), à acheter des dates de DLC courtes (43 %) ou encore à acheter du vrac (40 %).
« Malgré la transformation sans précédent chez les marques de l'agro-alimentaire et les investissements pour la conversion vers le végétal, la rénovation des recettes, la chasse aux additifs, les marques ont encore du mal à convaincre les consommateurs, analyse Gaëlle Le Floch, directrice marketing de Kantar Worldpanel France. Seulement 10 % d'entre elles sont perçues comme responsables, les efforts engagés sont donc encore insuffisants et un long chemin reste à parcourir pour les industriels et les enseignes. » À ce titre, 83 % des consommateurs attendent des engagements concrets de la part des marques et ces nouvelles exigences ont déjà conduit 2 consommateurs sur 3 à arrêter d'acheter un produit à cause de son impact négatif sur l'environnement.

Les indépendants continuent à creuser l'écart et pèsent désormais la moitié du marché PGC

« Depuis quelques semaines les Français anticipent des hausses de prix pour leur alimentation et la médiatisation sur le sujet des prix et du pouvoir d'achat vient exacerber une sensibilité prix/promotion déjà bien installée chez les consommateurs, rappelle Gaëlle Le Floch. La préoccupation prix se positionne déjà en premier critère dans les achats des Français, et ils vont mécaniquement constater avec plus d'acuité les effets de l'inflation lors de leurs passages en caisse en raison : de la baisse de la fréquence d'achat qui entraîne des paniers moyens plus conséquents. » Si l'Insee classe 15 % des foyers en classe modeste, Kantar estime que 32 % des ménages représentent des foyers « vulnérables », soit des foyers qui se sentent en situation de précarité et craignent le déclassement, ce qui laisse présager une consommation à deux vitesses qui se dessine déjà. « Cette typologie de ménages a pour intention de réduire tous les postes de dépenses alimentaires et non alimentaires, en limitant l'achat de certaines catégories ou en envisageant d'acheter plus de 1er prix, de MDD, de produits en promotion ou en privilégiant le fait-maison, les solutions anti-gaspi, les EDMP ou encore le drive », précise Kantar.
Les enseignes sont en ordre de marche pour répondre à la problématique de l'inflation et du pouvoir d'achat : celles déjà bien positionnées en prix et qui ont adopté des stratégies pour répondre à la quête du mieux manger accessible font la course en tête et des seuils symboliques ont été franchis :
Les indépendants continuent à creuser l'écart et pèsent désormais la moitié du marché PGC.

Lidl atteint 60 % de pénétration, Leclerc consolide sa position de leader et grimpe à 22 % de PDM9, Les Mousquetaires ont franchi le seuil des 16 % de PDM.

Les marchés alimentaires résistent bien à la crise

Après une année 2020 atypique pour les marchés PGC-FLS, l'année 2021 clôture -2,2 % en valeur, et -3,6 % en volume, soit +5,6 % en valeur comparé à 2019, ce qui est donc très supérieur aux croissances moyennes d'avant crise. Les dépenses moyennes par ménage atteignent désormais 3 307€ contre seulement 3 169€ en 2019. La distribution s'est montrée particulièrement résiliente et le Covid lui a même fait gagner quelques points de croissance.
Certaines routines mises en place pendant les confinements perdurent, comme celle de faire moins souvent ses courses en magasins (4 visites en moins en 2021 vs 2019), mais de remplir un peu plus son panier à chaque session shopping (33€ par acte d'achat en 2021 vs 30€ en 2019).
Après plusieurs confinements et des périodes de restrictions, les Français continuent à accorder une place de choix à leur alimentation : ils ont toujours envie de se faire plaisir (83 % des consommateurs choisissent des produits avant tout pour se faire plaisir) en cuisinant des recettes simples (64 % aiment faire la cuisine tous les jours ; le Fait Maison représente 80 % des plats principaux) et restent très vigilants à la qualité des produits qu'ils choisissent. « Tant que les marchés PGC-FLS sont relativement épargnés par l'inflation - nous constatons plutôt une déflation moyenne sur l'année 2021 à -0,5 % des prix10 - les consommateurs semblent toujours disposés à payer plus cher pour des produits premiums », explique Gaëlle Le Floch. En effet, 70,5 % des ménages sont prêts à payer plus pour des produits de qualité, 69,4 % sont prêts à payer plus pour une marque qui rémunère mieux les petits producteurs.
Les marques nationales, pourtant plus chères que les MDD, ont été particulièrement privilégiées : elles représentent 65 % des dépenses et ont gagné 0,8 pt de PDM. Malgré le retour des opérations promotionnelles, Kantar constate que la déflation récente est plus forte sur les marques nationales que sur les MDD dont l'offre est en baisse. Toutefois, la crise sanitaire a aussi été favorable à l'attachement aux marques, qui ont gagné en image et sont sur un bon niveau de confiance des consommateurs.
La valorisation moyenne des achats de PGC s'élève d'ailleurs à +1,9 % en 2021.

De nouveaux gestes et de nouveaux réflexes d'achat

Après un an de cuisine maison et un recentrage sur les produits dits « essentiels », les produits Tout Prêts reprennent du service (+3,6 % en valeur sur un an) conjointement avec le retour au bureau, la praticité et la recherche de commodité.
Le commerce en ligne continue d'afficher une très forte croissance, quel que soit le format (drive voiture ou piéton, +30 % de trafic vs 2019 / livraison à domicile, +80 % de trafic vs 2019). « La peur de la contamination reste élevée et ne va pas aider à un retour dans les commerces physiques, notamment dans les hypermarchés qui se retrouvent désormais pris en étau entre le canal online, les commerces de proximité, et les enseignes spécialisées comme Grand Frais, Biocoop ou Picard », explique Gaëlle Le Floch. Pour la livraison de leurs courses PGC à domicile, 8,2 % des Français passent commande auprès de pure players, qui atteignent désormais presque le niveau de pénétration des GSA (8,8 %) et constitue donc une menace supplémentaire pour les hyper et supermarchés.
C'est sans compter sur l'émergence d'une nouvelle concurrence, entre le quick commerce, les box à cuisiner mais aussi le hors-domicile, qui s'invite à domicile : 71 % des consommateurs essaient de passer le moins de temps possible à faire leurs courses. Pour Kantar, cette nouvelle tendance à la paresse et à l'immédiateté semble s'installer chez les Français et pourrait se résumer en quelques mots : « tout faire de son canapé et être livré en quelques minutes chrono ».

Le ralentissement du segment bio

Après un engouement sur les dernières années, le Bio semble marquer le pas (en baisse de -4 %). Si les enseignes ont réduit la voilure de l'augmentation de l'offre, le segment bio est aussi désormais en concurrence avec de nouvelles offres alternatives. En effet, « les adeptes de la première heure revendiquent une bio augmentée, sur des dimensions sociales et nutritionnelles et lui préfèrent désormais un produit local de saison, quand les petits consommateurs plus récents lui reprochent son prix », analyse Gaëlle Le Floch.
Le vrac : une solution qui continue à recruter de nouveaux clients et qui touche en 2021 40 % des foyers, qui achètent des produits en vrac au moins une fois dans l'année. Mais des freins liés à l'hygiène perçue notamment et au prix persistent et on peut s'interroger sur la poursuite de cette croissance. Retour et essor du hard discount : l'engouement pour les solderies et les déstockeurs (Action, Noz, etc.), et l'arrivée de nouveaux acteurs tel que Mere pourraient réactiver le débat du discount pur et dur qui avait laissé la place ces dernières années au « soft discount ».

Méthodologie :
Donnés issues des différentes études menées par Kantar en 2021 sur le panel 20 000 foyers, des études LinkQ, ProméthéeDonnées Référenseigne Flash P13 2021. Ces données sont issues d'un échantillon de 20 000 foyers panélistes de Worldpanel. Elles sont calculées sur un univers « Généralistes » (Hypers + Supers + EDMP + Proximité + Internet) et représentent les dépenses des ménages ordinaires en PGC + Frais LS pour la consommation au domicile.