[Tribune] Nike quitte Amazon : une victoire du multicanal sur l'omnicanal ?
Publié par Fred de Gombert, CEO d'Akeneo le - mis à jour à
La décision de Nike de quitter Amazon a déjà fait couler beaucoup d'encre. Mais les leçons à en tirer ne sont pas aussi simples que l'on pourrait le penser au premier abord...
Nike n'est pas la première grande marque à annoncer son retrait de la plateforme e-commerce : avant elle, Birkenstock l'avait déjà fait, à grand bruit, dès 2016 - son PDG vient d'ailleurs de saluer la décision de la marque de sport. Plus récemment, Ikea a aussi annoncé l'arrêt du test qu'il menait sur Amazon aux Etats-Unis... Faut-il en conclure qu'Amazon est mauvais pour les marques et que ces exemples sont les débuts d'une longue série ? Ce n'est pas si simple...
Nike, comme Ikea et Birkenstock, est une marque forte, mondialement reconnue. S'ils ne trouvent pas ses produits sur Amazon, les consommateurs seront prêts à les chercher ailleurs : c'est du moins le pari qui sous-tend la décision de Nike.
Quitter Amazon, c'est donc rompre avec la logique de l'omnicanal, qui s'est progressivement imposée aux marques au cours de la décennie passée. Dans cette logique, le "multicanal" des débuts du e-commerce n'était plus suffisant, il fallait être présent partout, sur tous les points de contact, à chaque endroit où le consommateur était, on assistait alors à l'avènement de "l'omnicanal" . Ventes en direct, marketplaces , sites de e-commerce, points de vente physique et dernièrement, mise en place du click-and-collect : tous les canaux se devaient d'être considérés, pour répondre aux attentes des clients.
En quittant Amazon, Nike s'affranchit aujourd'hui de cette logique, au profit d'une nouvelle stratégie de 'multicanal choisi" : plutôt que de chercher à être partout, mieux vaut chercher à être là où cela a le plus de sens pour son entreprise et ses valeurs. Sur Amazon, impossible de développer une expérience de marque différenciante ou de valoriser son image. C'est le produit qui prime devant toute autre considération et les marques ont également très peu de possibilités d'optimisation de leurs contenus produits... Quant à l'expérience, c'est celle d'Amazon que le client retient, pas celle de Nike.
Pour des marques comme Nike ou Ikea, pour lesquelles l'expérience et l'identité de marque sont déterminantes, être présent sur Amazon se révèle donc contre-productif à long terme : il est impossible d'y retranscrire ses valeurs ou son histoire, par exemple, ou de toucher directement son client, puisqu' Amazon fait écran. Mais pour d'autres marques, y vendre ses produits reste vital...
Cette dynamique du "multicanal choisi" pourrait être perçue comme un retour en arrière. Il n'en est rien : c'est au contraire un signe de maturité du marché, qui rentre dans une phase de rationalisation et d'optimisation des différents leviers à disposition, au lieu de chercher à faire feu de tout bois.
Ne jetons donc pas le bébé avec l'eau du bain : dans cette logique de multicanal choisi, c'est à chaque marque de déterminer les canaux qui lui sont les plus appropriés, en fonction de son positionnement, de sa stratégie et de son marché. Et Amazon peut évidemment être l'un de ces canaux.