Julie Walbaum (Maisons du Monde): "Nous voulons devenir l'acteur référent en Europe de la maison"
Publié par Dalila Bouaziz le | Mis à jour le
À la tête de Maisons du Monde depuis 2018, Julie Walbaum revient sur les grands projets de l'enseigne d'ameublement et de décoration, dont le lancement très récent de sa marketplace en France. L'occasion également de faire le point sur cette année particulière et les enjeux à venir. Entretien.
Quel bilan faites-vous de l'année 2020?
2020 a été une année mouvementée mais riche d'enseignements. Nous sommes encore plus forts qu'avant. Nous avons eu la chance de pouvoir compter sur les fondamentaux de notre enseigne : un e-commerce déjà très fort et un bon niveau de liquidités. Tout en étant très discipliné sur nos coûts, nous avons pu continuer à investir sur de nouveaux projets comme la marketplace. Cette année a renforcé la vision de notre modèle et bien sûr notre agilité aussi bien sur le business que sur notre organisation (comme la mise en place du télétravail deux jours par semaine).
Les ventes pour l'année 2020 s'établissent à c. 1182 millions d'euros, en baisse de 3,5% [ventes estimées et non auditées, NDLR]. 2020 a été une année bien tenue. Cette performance est liée à l'essor du digital, porté à la fois par la dynamique de "l'environnement Covid" mais également par notre stratégie omnicanale. L'e-commerce, en croissance de 41% au quatrième trimestre, représentait 33% de nos ventes à fin 2020 (contre 25% en 2019), soit près de 400 millions d'euros de ventes en ligne. Notre compréhension omnicanale de chaque marché nous permet de réaliser des investissements marketing au plus juste, tout en améliorant les expériences web et client. Notre enseigne résiste grâce à l'équilibre entre nos magasins et notre site web. Nos points de vente ont été extrêmement dynamiques entre les confinements. Nous avons eu un second semestre en croissance, une fin d'année résiliente malgré une baisse de 13% des ventes en magasin au quatrième trimestre, en raison de leurs fermetures durant un mois. La décoration, très portée par les points de vente, est restée stable au 4e trimestre (55% des ventes dans l'année). Nos magasins sont au coeur de notre modèle omnicanal: la force de notre marque est d'avoir une complémentarité des différents canaux. L'international a également continué à progresser grâce à une répartition géographique équilibrée. Cette activité représente 47% des ventes en 2020. Au global, nous avons pu compter sur les fondamentaux de notre enseigne: un e-commerce déjà très fort et un bon niveau de liquidités. Tout en étant très disciplinés sur nos coûts, nous avons pu continuer à investir sur de nouveaux projets comme la marketplace.
Comment se déroule ce début d'année?
En France, les nouvelles restrictions sanitaires mises en place le 31 janvier (fermeture des centres commerciaux de plus de 20000m2) nous concernent peu: uniquement 34 magasins ont dû fermer. À l'international, nos magasins en Suisse, Allemagne et Portugal sont actuellement fermés, cela représente un peu moins de 20% de notre parc. À ce stade, il est trop tôt pour donner une tendance. Mais 2020 nous a prouvé notre agilité à agir rapidement. Cette année devrait être également complexe avec une visibilité limitée. Nous ne sommes pas à l'abri d'un nouveau confinement, nous restons donc prudents et disciplinés dans la gestion de nos coûts et de nos investissements pour faire face à différents scénarios.
Quel est le premier bilan de votre marketplace, lancée en France au mois de novembre?
Sa performance est supérieure à nos attentes. Nous l'avons lancée avec 200 marques, nous en avons rajouté une cinquantaine depuis. Plus de 95% de nos vendeurs ont déjà vendu sur notre marketplace dans les premières semaines. Nous avons aujourd'hui une offre enrichie avec plus de 25000 références supplémentaires. L'expérience client est également équivalente, en termes de NPS, à celle de notre propre site e-commerce sur les différents points de contact. Les produits de la marketplace ont un positionnement prix équivalent ou un peu plus premium que les nôtres. Cela traduit la légitimité de notre marque à aller sur de nouvelles catégories et à abriter une offre assez large incluant des prix un peu plus élevés. C'est un point très intéressant et cela nous ouvre de belles perspectives. Nous avons ainsi vendu des bureaux à plus de 1000 euros avec un score de satisfaction très bon. Quant aux catégories les plus performantes, elles correspondent à celles traditionnellement fortes sur le digital: les canapés, la literie et le linge de maison.
Comment s'est déroulé le 2e confinement pour votre enseigne ?
Le reconfinement a été différent du premier où nous avions dû fermer l'ensemble de notre parc européen de magasins. Parallèlement, nous avions connu une forte croissance on line, plus de 50% sur le 2e trimestre 2020 via une conquête importante de nouveaux clients. Pour ce 2e confinement, nous avons eu des fermetures de nos magasins en France, Belgique, et dans une partie de l'Italie (80-85% des points de vente ont fermé en Europe) et des restrictions en Espagne. Néanmoins, la grande différence était la possibilité d'effectuer du click-and-collect dans nos magasins notamment en France et Belgique, et de les maintenir ainsi accessibles pour les retraits de commande. Nous avons pu garder nos équipes magasins en activité. Dans nos plus grands points de vente, plus de 100 commandes web étaient traitées par jour. Nous avons également observé un engouement de nos clients pour ce service gratuit via une bascule plus importante d'acheteurs magasins vers le digital. Cette complémentarité de nos canaux avec des clients plus omnicanaux génère à la fois plus de fidélité à l'enseigne tout en créant de la valeur.
Vous avez lancé en novembre votre marketplace en France, pourquoi avez-vous effectué ce choix aujourd'hui ?
Maisons du Monde est une marque forte qui se définissait jusque-là par un modèle intégré et une offre en propre. Nous étions sur un écosystème fermé avec nos magasins, nos sites web, etc. qui nous a très largement porté : nos créations originales sont un marqueur important de notre enseigne.
Aujourd'hui, nous sommes sur un modèle résolument omnicanal où le digital prend de plus en plus d'importance.
Pour que ce canal soit encore plus performant, nous devons ouvrir notre écosystème pour le dynamiser encore plus. Notre marketplace se doit d'être sélective, via nos marques propres et celles que nous dénichons, tout en prônant nos valeurs. Nous voulons devenir l'acteur référent en Europe de la maison.
Quels sont les axes différenciants de votre marketplace ? Quelles sont les ambitions ?
Nos critères d'acceptation sont exigeants en termes de style, via notre fort ADN, de rapport qualité-prix accessible et de RSE. Nous sommes l'une des marketplaces les plus engagées sur ces critères de responsabilité. Nous demandons à nos marques partenaires de souscrire à notre code de conduite et au Global Compact des Nations unies. Nous cherchons un "cocktail" de marques, spécialistes de leur secteur comme dans le linge de maison pour compléter nos offres, créateurs, made in France... Nous souhaitons offrir le meilleur du mobilier et de la décoration à nos clients et proposer à toutes ses marques qui n'ont pas les moyens de se lancer en ligne une vitrine via notre marketplace.
Compte tenu de notre approche sélective, nous visons 20% de notre volume d'affaires en 2024 via la marketplace. En moyenne, une enseigne présente sur une place de marché réalise entre 30-35% de son volume d'affaires sur celle-ci. Nous préférons renforcer l'aspect sélectif de notre marketplace et de notre marque plutôt que de la diluer en ayant des exigences de croissance trop fortes.
La marketplace sera-t-elle étendue aux autres pays ?
Notre objectif est de proposer une marketplace omnicanale. Pour 2021, nous avons deux possibilités : le déploiement de celle-ci à l'international ou en magasin. Près de 40% de nos ventes en magasin sont réalisées par le meuble alors que nous n'exposons qu'entre 5% à 10% de notre offre (4 000 références). C'est grâce à la connaissance de nos vendeurs de l'ensemble de notre catalogue, et à l'usage des tablettes, que nous pouvons réaliser ces ventes digitales (25% des ventes Groupe en plus du e-commerce, soit 50% des ventes totales réalisées en digital). Quand nous rendrons la marketplace omnicanale, dans un premier temps, nous allons nous appuyer sur nos équipes pour faire connaître à nos clients les nouveaux produits de la marketplace. Par la suite, certains articles pourraient être présents en magasin. Néanmoins, nous nous concentrerons d'abord sur le marché français.
Est-il possible de récupérer les produits achetés sur la marketplace en magasin ?
Non, nous sommes sur un modèle de dropshipping. Ce sont les marques vendeurs qui assurent la livraison à domicile. L'idée serait de proposer par la suite l'ensemble des points de retrait : magasin ou point relais.
Certains services proposés pendant le reconfinement ont-ils émergé ?
Le click-and-collect a connu une évolution pour notre enseigne. Auparavant, nos clients commandaient en ligne les produits qui étaient livrés de notre entrepôt central à nos magasins. La nouveauté que nous déployons actuellement à plus grande échelle est d'aller chercher directement dans le stock du point de vente le plus proche. Ce nouveau service a des avantages économiques et RSE tout en améliorant notre promesse client avec la possibilité d'accélérer la livraison de quelques jours à quelques heures.
Qu'est-ce qui différencie l'e-commerce français des autres pays où vous êtes présents ?
La marque Maisons du Monde est très forte en France mais aussi en Belgique et en Italie. Nous sommes dans le Top 3 des enseignes dans ces deux pays. En Espagne, nous avons une notoriété moins importante mais une belle dynamique marchande portée aussi bien par les magasins que sur le web. L'Allemagne demande un temps d'ancrage de deux à trois ans pour une marque. Contrairement aux autres pays, où nous atteignons très rapidement une vitesse de croisière en termes de ventes, sans " ramp-up ". Les consommateurs allemands ont besoin de comprendre la marque, le concept, de visiter nos magasins avant de passer à l'acte d'achat. Aujourd'hui, nous observons une véritable accélération de nos ventes et une forte digitalisation sur ce marché. La maturité digitale est également plus forte que dans les pays du sud avec 60% des ventes réalisées en digital en Allemagne. Notre modèle omnicanal s'adapte ainsi aux usages de chaque pays.
Comment continuez-vous à vous démarquer face à une concurrence très forte entre des acteurs physiques et on line?
Nous faisons face à la concurrence des pure players mais aussi des acteurs physiques, d'un côté ceux qui étaient positionnés en entrée de gamme et qui montent et des enseignes de mode qui se lancent dans la décoration. Le panorama évolue assez vite. Chez Maisons du Monde, nous sommes très clairs sur notre ADN : la création et l'inspiration via une offre riche et pertinente. Nous avons accéléré notre travail sur les collections pour les rendre encore plus inspirantes pour les clients. Au troisième trimestre 2020, nous avons augmenté de 25% nos ventes sur la décoration par rapport à l'an dernier. Nous inspirons également en apportant du conseil déco en ligne avec les architectes d'intérieur de la start-up Rhinov et en magasin via des coins conseil déco et la vente de la prestation Rhinov par nos vendeurs, afin d'enrichir notre proposition de valeur et développer notre approche servicielle.
Quelles sont les autres actualités de Maisons du Monde ?
Avec notre partenaire Vicartem, nous devions inaugurer notre 2e hôtel à Marseille dans le quartier du Vieux-Port, après celui de Nantes. Avec le reconfinement, la date est décalée à 2021.
Le marché de la location est-il un sujet de réflexion ?
Nous le regardons depuis un moment. Dans le meuble en France, cela correspond à une niche assez petite. En France, les mutations professionnelles sont moins fréquentes que dans d'autres pays comme l'Allemagne. Or en dehors de ce cas, et de celui de la vie étudiante, les besoins de location demeurent très limités. En revanche, la seconde main nous intéresse beaucoup. Néanmoins, le modèle économique n'est pas encore là. Pour répondre à nos enjeux RSE, nous travaillons à l'allongement de la vie de nos produits : l'économie circulaire est un sujet qui nous tient à coeur.
Quelles sont les prochaines étapes de votre développement ?
Nous allons continuer à ouvrir des magasins dans chacun de nos pays en analysant chaque zone de chalandise où nous sommes déjà présents, avec la possibilité également d'en fermer. Nous allons poursuivre notre stratégie omnicanale pour renforcer l'expérience magasin et nos engagements RSE.
Depuis un peu plus de deux ans vous êtes à la tête de Maisons du Monde, en tant qu'ancienne directrice du digital, qu'avez-vous apporté à l'enseigne ?
Mon background digital a fortement influencé la vision omnicanale de l'entreprise, avec un web de plus en plus puissant mais aussi la pleine reconnaissance de la valeur du magasin. Un " mindset digital " dépasse le simple canal de vente, c'est aussi une approche très orientée data, notamment en supply chain où les besoins d'agilité sont croissants ; cela vous pousse aussi à être très centré client dans chacune de vos décisions.