Paiement : vers une meilleure régulation
Publié par José Roda le - mis à jour à
Réponse à des contraintes budgétaires ou vecteur d'achat plaisir, le paiement fractionné s'impose comme la promesse d'une expérience de consommation nouvelle. Mais entre transformation optimisée et protection du consommateur, le régulateur devra fixer les règles.
La récente étude Kantar réalisée pour Floa sur les usages de paiement en Europe, révèle que 3 Européens sur 4 réalisent des achats en ligne et que 35 % d'entre eux ont déjà payé en plusieurs fois ou en différé. « Par rapport à nos voisins européens, la France apparaît comme un pays pilote et constitue d'une certaine façon, un 'use case' nominal », observe Marc Lanvin, directeur général adjoint de Floa. L'étude met en évidence d'autres réalités. Les Européens ont ainsi davantage recours aux facilités de paiement pour leurs achats d'électroménager, de produits high-tech, de meubles/déco, et de voyages.
En France (69 %) comme en Europe (63 %), les consommateurs envisagent le recours au paiement en plusieurs fois pour des achats inférieurs à 500 euros.
La moitié des personnes qui utilisent les facilités de paiement le font pour équilibrer leur budget, près d'un Européen sur cinq utilise aussi le BNPL (Buy Now Pay Later) pour se faire plaisir et 13 % pour faire plaisir. Si le paiement fractionné intéresse autant les marchands que les consommateurs, c'est par sa simplicité. Présenté comme une facilité de paiement, puisqu'il ne peut excéder une durée de 90 jours, il échappe à la réglementation du crédit à la consommation classique. Taux d'intérêt jugés négligeables, absence d'information précontractuelle ou de droit de rétractation... le cadre s'avère beaucoup plus souple. « Le paiement fractionné est aujourd'hui une vraie lame de fond en France et en Europe, continue Marc Lanvin, et la présence d'une offre de paiement fractionné se classe au troisième rang des critères de choix d'une marque par le consommateur derrière le prix et la notoriété de l'enseigne. »
Paiement fractionné : un levier de croissance à préserver
Véritable attente des consommateurs qui sont 65 % à redouter de se voir refuser une facilité de paiement lors d'un achat en ligne, « le paiement fractionné apporte une réponse à des contraintes budgétaires mais il faut se méfier des fantasmes. Le paiement en plusieurs fois concerne tous les profils de clients, en particulier les jeunes ou les cadres », note Marc Lanvin. S'il répond à une triple promesse d'augmentation du panier moyen, de la fréquence d'achat et d'une optimisation de la conversion, le paiement fractionné doit être pensé selon Pierre-Marin Campenon, directeur des partenariats pour Younited, comme une solution de paiement alternative au crédit régulé, quand elle est pertinente. « Au-delà d'une centaine d'euros par mois, peu de consommateurs sont en mesure d'absorber réellement la mensualité. Pour les e-commerçants, l'essentiel consiste surtout à offrir une gamme de solutions de paiement aussi complète que possible. »
Vers davantage de régulation ?
Nicolas Pinto, directeur du marketing de Skaleet, plateforme bancaire et technologique proposant une gamme de produits financiers, considère que « DSP1 et DSP2 ont permis aux établissements de paiement de s'insérer sur ce marché et de développer de nouveaux services pour adresser les besoins des clients comme des e-commerçants ». Ainsi, si le paiement fractionné fait naturellement partie de la chaîne de valeur des banques, elles sont désormais en concurrence avec nombre de fintechs présentes sur ce marché en plein développement.
« Il existe encore du flou dans les pratiques de BNPL, estime Yves Eonet, CEO de Skaleet. Ce sont des zones grises dans lesquelles nombre d'acteurs se glissent et il est très difficile pour le régulateur d'anticiper l'arrivée de nouvelles offres ». " Le régulateur doit fixer les règles pour accompagner le client sans casser la dynamique du BNPL, qui est aussi l'un des leviers de la relance économique », confirme Marc Lanvin. La démarche de régulation est d'ores et déjà amorcée avec pour vocation de protéger le consommateur d'abord, les marchands ensuite et l'écosystème du paiement électronique. Cette régulation devrait contribuer à la transparence, à la clarification des pratiques tout en gardant à l'esprit que « l'immédiateté de la réponse est capitale dans les modes de consommation d'aujourd'hui. Le délai Scrivener (NDLR : La Loi Scrivener fixe un délai légal de réflexion de 10 jours pour l'acceptation d'une offre de prêt) me semble être d'un autre temps », souligne Marc Lanvin. Cette régulation devra donc contribuer à la transparence et à la clarification des pratiques ! La Commission Européenne planche actuellement sur un projet de révision de la directive de 2008 sur le crédit à la consommation, qui vise à unifier les pratiques, les coûts et place au coeur des enjeux, la transparence et l'information délivrée au consommateur. Cette indispensable régulation devrait voir le jour d'ici la fin de l'année 2022.
Les e-commerçants entre le marteau et l'enclume ?
Alors que le paiement fractionné s'impose déjà comme la grande tendance pour 2022, il est essentiel d'identifier la meilleure solution pour les marchands comme pour ses clients parmi les nombreux leaders du marché. Oney, Cofidis, Adyen, Alma, Scalapay, Pledg... la concurrence est rude entre les acteurs du paiement fractionné. Entre des prestataires historiques comme Cofidis Retail et Oney, spécialistes du crédit, et des fintechs qui proposent le paiement fractionné comme un service, il faut prendre les bons arbitrages. Une acceptabilité trop forte exposerait le client à une surconsommation. Trop faible, elle risquerait de dégrader le taux de transformation...
Klarna : l'acteur qui vient du froid
La fintech suédoise qui a vu le jour en 2005 s'est lancée en France en juin 2021. Klarna, qui rayonne sur une vingtaine de pays, a été pensée comme un levier de modernisation de l'expérience d'achat en ligne. Proposant tout à la fois le paiement comptant, le paiement à 30 jours et le paiement fractionné, « Klarna apporte un maximum de services aux consommateurs autant qu'aux marchands, indique Eric Petitfils, Directeur commercial France pour Klarna, et dépasse le cadre de l'application de paiement en se positionnant également comme une plateforme d'affiliation. Un écosystème de shopping complet en quelque sorte ». Chez Klarna, le constat est clair : le paiement fractionné est une promesse d'augmentation du panier moyen, d'une amélioration de la conversion, autant que de la fréquence d'achat. En substance, le BNPL est un levier clé d'optimisation de la valeur client. « Mais, notre conviction, c'est que le client doit dépenser l'argent dont il dispose à l'instant T, pas davantage », affirme Eric Petitfils. Le panier moyen des utilisateurs de Klarna s'établit autour de 90 €. « L'application Klarna effectue un scoring client constant en exploitant une centaine de données dans son algorithme. Nous effectuons des mesures affordability à chaque instant pour offrir au consommateur une protection native », précise Eric Petitfils qui en est convaincu : « La régulation est importante pour sceller la confiance, mais elle doit être proportionnée pour protéger le consommateur sans le brider inutilement ».