Logistique : les nouveaux standards à l'épreuve du dernier kilomètre
Publié par Véronique Méot le | Mis à jour le
Satisfaction client, équilibre financier, impact environnemental, optimisation des stocks... la logistique du dernier kilomètre fait face à de nombreux enjeux. Les réponses diffèrent selon les stratégies des enseignes et les territoires.
La livraison au domicile - ou sur le lieu de travail - reste prépondérante, devant le point relais. « Elle représente 80 % de nos livraisons, contre 20 % pour les autres solutions, déléguées à nos partenaires » , déclare Geoffrey Junior Dimelo, directeur excellence opérationnelle DHL Express. Les derniers chiffres clés de la Fevad le confirment : en 2021, 80 % des e-acheteurs (particuliers) ont été livrés sans se déplacer, 67 % dans un lieu de retrait. Les délais paraissent stables. « Le standard s'établit autour de 72 heures, idéalement 48 heures, à condition de trouver la meilleure équation avec un coût le plus bas possible » , note Bertrand Chabrier, directeur du développement de C-Log, société de logistique et transport, car « au niveau du dernier kilomètre, le coût reste le nerf de la guerre » . En France, sur ce marché très disputé, pas ou peu d'acteurs globaux. Seuls Urby (filiale du groupe La Poste et de la Banque des Territoires) et Star Service semblent en avoir fait leur axe de positionnement. « D e nombreux acteurs locaux interviennent au ni veau d'un segment ou d'une métropole, il faudra du temps pour qu'un réseau mature se structure » , estime Jérôme Libeskind, expert en logistique urbaine e-commerce. La logistique du dernier kilomètre fait face à plusieurs enjeux : d'abord, offrir toujours plus de choix aux clients finaux, « le consommateur doit pouvoir trouver le mode de livraison qui lui convient le mieux, à domicile, hors domicile, avec signature pour renforcer la sécurité, etc. » , résume Benoît Huc, directeur commercial et marketing de Colissimo. Autres enjeux, contenir les coûts financiers et l'impact environnemental, puis accompagner le commerce omnicanal dans l'optimisation de ses stocks.
Le temps réel, clé de succès du premier passage
La livraison réussie au premier passage représente un enjeu clé. Elle nécessite une information fluide. Les transporteurs se mobilisent. Ainsi, Colissimo s'engage à envoyer un message au destinataire du colis la veille de la livraison et à lui proposer de reprogrammer la date et le lieu du rendez-vous dans les six jours ouvrés. Un autre service, l'appel du facteur, généralisé au printemps sur l'ensemble du territoire, permet à celui-ci de prévenir le destinataire de la livraison imminente d'un colis n'entrant pas en boîte aux lettres ou nécessistant un traitement particulier. Depuis 18 mois, Colissimo a instauré le second passage systématique, sans que les destinataires n'aient de démarche à accomplir. "Nous gagnons deux à trois points de livraison réussie supplémentaire", se félicite Benoît Huc. Chez DHL Express, Geoffrey Junior Dimelo évoque la livraison à la demande qui offre aux destinataires plusieurs options de livraison et des notifications : "Dès que le colis est expédié, le client final reçoit un message et peut choisir entra la livraison à domicile, en point relais (Relais Colis), chez un voisin (Pickme), en consignes". Les expressisites cherchent à rendre le destinataire acteur de sa livraison. "Le retailer et le transporteur doivent s'adapter à ses contraintes et non l'inverse", martèle Hervé Courau, directeur du développement commercial de GLS France. Le temps réel est devenu le Graal. "Avec UberEats, les consommateurs ont pris l'habitude de suivre le trajet de leur repas... la dernière ligne droite génère du stress, pour le compenser, l'information délivrée doit être la plus fine possible", poursuit-il. GLS vient de s'offrir Tousfacteurs, start-up logistique et digitale, afin de déployer son service "Track & Engage", offrant un suivi interactif du colis (1h30 avant la livraison, un SMS avec un lien hypertexte propose de géolocaliser le colis). Ce service marketing mobile payant répond aux attentes des clients, car près de 55 % des personnes ouvrent le SMS le proposant et y restent connecté pendant près de 13 minutes" selon Hervé Courau.
Les consignes au secours des points relais
Reconnue comme la solution la plus économique, la livraison en points relais trouve ses limites. Ainsi, témoigne Jean-Sébastien Leridon, directeur général Relais Colis (6 300 points de vente), tombé dans le giron du groupe Walden, "nous devons pouvoir interagir avec le consommateur lorsque le point relais est saturé pour qu'il puisse choisir une option, nous essayons d'inventer d'autres solutions en testant le relais chez les particuliers, mais cela reste délicat car ce service nécessite de la discipline au niveau des horaires". Dans certaines zones, le maillage en points relais ne suffit plus, dans d'autres, il manque. Relais Colis déploie des "fermes relais" en milieu rural et des consignes automatiques ailleurs. Une cinquantaine est active sur plusieurs centaines jugées nécessaires. "Nous allons tester un modèle hybride, en équipant certains points relais, car la consigne isolée pose des problèmes en matière de gestion des colis", confie Jean-Sébastien Leridon. Mondial Relay (racheté par Inpost, spécialiste de la consigne automatique), qui dispose de 12 000 Point Relais en France, a annoncé courant juillet, avoir franchi le cap de sa 1000e consigne automatique multi-enseignes avec une installation dans un Lidl situé à Dunkerque. Décathlon, Leroy Merlin ou Auchan ont signé avec Quadient France pour développer des consignes automatiques. "Les modèles installés à l'extérieur sont plébiscités car ils préservent la surface de vente et ne sont pas pénalisés par des horaires restrictifs", assure Aurélien Simon, chef de produit marketing Quadient France. Autre solution qui se développe, la livraison via un réseau de voisins-relais. Geodis, GLS, DHL, Colissimo travaillent par exemple avec Pickme, qui revendique un potentiel de 80 000 voisins-relais de confiance. À date, Geoffrey Junier Dimelo recense "1 500 voisins-relais actifs avec DHL". Ce type de service s'installe dans le paysage. "Sa percée est fulgurante, entre novembre 2021 et juin 2022, il a pris 4 % des parts de marché chez nous, et fait figure d'avenir car il génère très peu d'échecs", ajoute-t-il. Colissimo teste ce service à Paris et dans une dizaine de communes de Seine-Saint-Denis. Avec seulement un mois de recul, Benoît Huc voit déjà des signaux positifs : "Les clients apportent une note de 9,7 sur 10 en termes de satisfactions et semblent déjà à l'aise avec l'idée de faire livrer leurs achats chez un voisin de confiance". L'offre pourrait être progressivement étendue.
Le consommateur doit trouver le mode de livraison qui lui convient le mieux, à domicile, hors domicile, avec signature pour renforcer la sécurité, etc.", souligne Benoît Huc
Les transports doux sillonnent les villes
La logistique urbaine s'empare du sujet environnemental et prône la mobilité douce. "Réglementations, coûts, difficultés de stationnement... les chargeurs ne souhaitent plus entrer dans les villes, nous leur proposons de nous confier les marchandises et de massifier la livraison en centre-ville grâce aux modes doux", explique Delphine Janicot, directrice marketing et communication d'Urby. Les camions sont tenus à distance et n'effectuent plus le dernier kilomètre. Les spécialistes de la logistique urbaine verdissent leurs flottes - du vélo cargo aux 19 tonnes - pour répondre aux critères d'éligibilité des zones faibles émissions mobilité (ZFE-m). Urby a ainsi fait l'acquisition de 137 véhicules à faibles émissions (GNV, assistance électrique), quand Star Service annonce l'acquisition de 200 nouveaux véhicules électriques, composés à 90 % de véhicules utilitaires et à 10 % de triporteurs à assistance électrique. Et font appel à des partenaires. Dans les grandes villes, les start-up de logistique urbaine fleurissent : Stuart (Dpdgroup) présente dans une soixantaine de villes en France, Vlove Cyclo-logistique (Cogepart) dans une dizaine d'agglomérations, Diligo à Paris, ULS à Strasbourg (fluvial et vélo), etc. Résultat, dans le coeur des villes, marcheurs, cyclistes, livreurs en scooters électriques et véhicules propres se croisent et se recroisent.
Massification des livraisons versus optimisation des stocks
La logistique urbaine redessine le paysage. Les entrepôts de proximité émergent. L'objectif étant de rapprocher les colis de leurs destinataires. "Nous développons deux types d'infrastructures, des centres de mutualisation (2 000 à 4 000 m2) implantés à l'entrée des agglomérations, chargés de la réception et la réorganisation des flux, et des espaces logistiques urbains (200 à 500 m2) en centre-ville", précise Delphine Janicot. Urby, présent dans 23 villes de plus de 150 000 habitants d'ici à 2025. "Notre modèle répond aux enjeux environnementaux en décongestionnant les villes et de coûts en rationalisant les livraisons, il va dans le sens du commerce omnicanal. Les enseignes ayant davantage intérêt à ouvrir des showrooms en zone urbaine plutôt que des magasins entrepôts" argumente-t-elle. En toile de fond, l'opposition du prix du mètre carré commercial versus celui du mètre carré logistique. Néanmoins, plusieurs modèles cohabitent et les avis divergents. "Installer plusieurs entrepôts de proximité, permet de réduire les coûts de transport, mais attention à la fragmentation dans certains entrepôts et de pénurie dans d'autres", prévient Bertrand Chabrier. Cet expert préfère le click and collect (retrait en magasin) au ship-from-store (le point de vente sert de petit entrepôt) qu'il considère comme trop onéreux. Cette pratique s'intensifie. "Nous organisons des passages dans les points de vente pour des collectes quotidiennes ou occasionnelles, ce service remporte un véritable succès, le nombre de clients a augmenté de 50 % en une année", indique Benoît Huc. L'omicanalité engendre les deux formules et nécessite un stock unifié. C-Log a inauguré un site logistique à Poupry, dans la région d'Orléans, dédié au commerce en ligne, qui permet de garantir une livraison à 10 heures du matin pour toute commande passé avant 19 heures la veille. Le logisticien, en charge du groupe Beaumanoir, a implanté le logiciel d'orfer manegement system (OMS) de l'éditeur krbw pour un pilotage centralisé des stocks déportés. "Les algorithmes calculent suivant le coût du transport, des délais de la préparation et de la complétude de la commande, quel est l'entrepôt le mieux placé pour expédier la commande", précise Bertrand Chabrier. L'OMS comme l'arbitre du match du dernier kilomètre.