Les éditeurs misent sur l'IA
Publié par Véronique Méot le | Mis à jour le
Pour garantir le respect des délais de livraison, gérer la préparation des commandes selon les ressources disponibles, assurer la transparence de l'information et maîtriser l'empreinte carbone des enseignes, les éditeurs enrichissent leurs solutions (WMS, TMS) qui gagnent en intelligence.
"Le retail donne de plus en plus d'importance au maillon final de la relation client - la livraison -, l'enjeu étant de pouvoir annoncer un délai et faire en sorte que la préparation de la commande et son expédition soient suffisamment rapides pour le tenir, tout en s'assurant de garder de la visibilité sur le produit», constate Laurent Denuit, Digital Supply Chain & Finance chez Oracle. Un triple enjeu qui donne de nouvelles perspectives aux solutions de "Warehouse management system (WMS)" et de "Transport management system" (TMS) notamment. Les éditeurs investissent dans les nouvelles technologies (IA, big data, objet connecté) afin d'améliorer les logiciels et répondre aux demandes de leurs clients, à l'affût de produits plus poussés, note en substance Xerfi dans son étude "Le marché des logiciels et plateformes supply chain à l'horizon 2023", publiée en décembre 2020. La pandémie est passée par là et les confinements ont fait monter la pression. Dans les entrepôts, le besoin en agilité prime. «Nous travaillons trois axes d'innovations: l'automatisation des process à faible valeur ajoutée, l'exploitation des données au service de la performance des entrepôts et le développement durable,car les clients des retailers y sont attentifs», témoigne Vincent Ricci, VP development France GXO supply chain.
Mieux gérer les ressources dans les entrepôts
Face à des pics d'activité de plus en plus fréquents (habitudes saisonnières, commandes passées pendant le week-end), voire imprévisibles (crise sanitaire) et à la pénurie de main-d'oeuvre, prévoir les ressources relève du casse-tête chinois. «La gestion de la logistique sans vague d'ordonnancement, pour s'adapter aux dernières commandes, s'invite dans les entrepôts. Cette fonction gérée par le module de Labor management system (LMS) est intégrée au WMS», déclare Florent Boizard, directeur de la BU Reflex Logistics Solutions chez Hardis Group. Les ressources sont réallouées dynamiquement au cours de la journée et les informations consignées en temps réel sur un tableau de bord de pilotage. Chez Savoye, un premier cas de machine learning devrait sortir prochainement. «L'IA est un vecteur d'innovation pour nos clients, le WMS doit donc évoluer pour répondre aux besoins d'anticipation, par exemple en évaluant les capacités des équipes de l'entrepôt versus la charge de travail à absorber. Face à une consommation de plus en plus erratique, le retail a peu de visibilité sur les commandes à venir, nos solutions, sur la base d'un apprentissage par l'erreur, devraient apporter des réponses», avance Grégory Lecaignard, responsable produits advanced software chez Savoye. Autre fonctionnalité, la gestion des priorités dans l'ordonnancement des ordres de mouvement. «Le logiciel challengera son propre paramétrage et s'autoanalysera, en 2022-2023, promet-il, nous passerons d'un WMS performant à un WMS intelligent.» La solution Saas Generix Supply Chain (WMS) prend aussi ce virage. «Il apparaît pertinent d'affecter les commandes aux différents moyens de production (flotte de robots, trieurs, etc.) suivant leur niveau d'occupation et de les traiter le plus rapidement possible», explique Isabelle Badoc, chef de produit marketing.
De la simulation et de la suggestion
«Il y aura certainement une phase d'apprentissage avant que les algorithmes soient aussi performants que l'analyse humaine, il s'agit de leur apprendre à reproduire le comportement instinctif des managers par l'expérience», ajoute-t-elle. Generix prévoit le lancement d'une première version à l'été 2022: «Elle prendra en charge l'affectation des ressources, l'affectation des lignes de commandes à la production viendra plus tard» précise Isabelle Badoc. BK Systèmes, qui finalise une version 8 de sa solution Speed WMS (annoncée pour janvier 2022), renforce deux modules, le labour management et le reporting.
«Nous procédons à une refonte complète de l'ergonomie, avec un graphisme en 3D inspiré du jeu vidéo, qui permettra à l'utilisateur de se promener dans l'entrepôt, et d'intervenir sur le stock de manière plus ludique», commente François Biesbrouck, dirigeant de BK Systèmes.
Dans les cinq ans à venir, les entrepôts devraient accueillir une population croissante de robots chargés d'accompagner les opérateurs.
«La France est un peu en retard sur ce point», reconnaît Grégory Lecaignard. Savoye a sorti la solution de robot mobile Fleexee en 2021 permettant de limiter les trajets des opérateurs entre zone de lancement, zone de picking et zone d'emballage, ainsi que la pénibilité générée par les activités de manutention de chariots. «Les robots vont apporter de la productivité et de l'élasticité en termes de traitement de volume, assure Isabelle Badoc. Peu sont encore capables de gérer l'ensemble du parcours, de la réception à l'expédition, la cohabitation humain et robot prend tout son sens pour choisir le bon mode de préparation.»
Chez GXO, Vincent Ricci note que «les robots permettent de repositionner l'humain là où il apporte de la valeur». Hardis Group a investi dans un module connecteur WCS-master ( NDLR : WCS Wharehouse Control System ou système de pilotage des activités ) - intégré à Reflex WMS - pour orchestrer les tâches affectées aux systèmes de mécanisation et de robotisation. «L'innovation consiste à positionner le WMS au-dessus et à simplifier les échanges entre le WMS et tous les WCS du marché (transstockeurs, trieurs, convoyeurs, robots de préparation de commande, etc.) Des tableaux de bord de pilotage permettent de superviser l'activité des différents systèmes mécanisés», commente Florent Boizard.
Développer la logistique urbaine
Les TMS s'enrichissent aussi de données prédictives. «Nous utilisons le machine learning pour analyser les données du transport et des expéditions afin d'affiner l'heure de livraison prévue. L'historique des trois derniers mois par exemple permet d'obtenir une donnée prédictive beaucoup plus précise», affirme Laurent Denuit. Pour coller le plus possible à la réalité, Oracle intègre différents facteurs influençant l'acheminement des produits (le jour, la destination, les conditions météo...). Enfin, les éditeurs se penchent sur la logistique urbaine.
«Les espaces de vente se transforment en mini-hub logistique et le personnel prend en charge des fonctions de réception de colis, de gestion de réserve, de préparation de commande» confirme Frédéric Cousin, ingénieur avant-vente chez Infflux. Cet éditeur propose des applications pour faciliter leur quotidien. Par exemple, lorsqu'un consommateur vient récupérer sa commande en click and collect dans une boutique, il est invité à signaler sa présence par un QR Code, afin que son temps d'attente soit personnalisé, en parallèle le vendeur reçoit une notification. La promesse est double : améliorer le confort et la qualité de l'attente en magasin et rendre la remise du colis plus rapide.
La logistique urbaine soulève plusieurs problématiques (productivité des tâches, maîtrise du stock, coût) mais pourrait apporter une réponse à la nécessité de contenir l'empreinte carbone. Les outils sont prêts : «Notre TMS permet de confronter l'impact carbone d'une décision», indique Frédéric Cousin. Reste que pour minimiser l'impact, "il faut trouver le bon équilibre entre la distance de transport et la dispersion du stock», résume Florent Boizard (Hardis Group). D'où la nécessité de réconcilier les stocks. «Le WMS doit être capable de vérifier que le produit commandé est bien présent au plus près du consommateur et orienter la commande», martèle Marc Héricher, président de ShippingBo, plateforme Could combinant les trois briques (OMS, WMS, TMS). ShippingBo fournit la technologie permettant de pousser l'information vers le consommateur en temps réel. «Il faut éviter les ruptures d'information, il est rare qu'un retailer informe son client lorsque le colis est emballé, alors qu'il peut se passer beaucoup de choses entre la préparation de la commande et son expédition, c'est pourquoi nous traçons les préparateurs», argumente-t-il.
En connectant le colis, de l'achat à la livraison, l'objectif de cette start-up est de contribuer à moderniser les entrepôts et à optimiser les transports, tout en privilégiant l'effet "waouh" pour le consommateur.